Chapitre III :

Situation actuelle de l’éducation vietnamienne

1- Réalités du système éducatif du Vietnam.

En chacun de nous, nous constatons que la fin de l’éducation est de « former  l’être social », « de constituer cet être en chacun de nous »[1] . Elle est donc un facteur essentiel qui favorise la prospérité d’une société, d’un pays qui « se trouve, à chaque génération nouvelle, en présence d’une table presque rase sur laquelle il lui faut construire de nouveaux frais »[2] . Autrement dit, sa civilisation et son développement dépendent du résultat de l’éducation. En observant le niveau et les manières de vie des citoyens, leur savoir-vivre, on peut mesurer jusqu’où accède le développement de l’éducation d’un pays parce que « quels que soient les mœurs, les coutumes et les modes de pensée des peuples, en un mot leur culture, celle-ci [l’éducation] est d’abord transmise ».[3] La dégradation du système éducatif entraîne maintes conséquences peu souhaitables. Vivant dans un siècle où la globalisation s’accélère de jour en jour, une éducation qui n’est pas à jour suscite le recul du développement du peuple. C’est ici le problème que le Vietnam a subi. Le système communiste s’est desserré peu à peu depuis 1986, époque de “renouveau” et a commencé à prendre son essor au début des années 90. En s’efforçant de s’intégrer et d’entrer en relation avec les pays étrangers dans plusieurs domaines, le Vietnam s’aperçoit enfin des lacunes de son système éducatif. C’est par cela qu’il a obtenu le record de “rénovations” dans l’éducation. Sans compter des “rénovations” avant 1975 au nord du Vietnam, la première “rénovation” au sud eut lieu en 1980. La seconde “rénovation” se fit en 1987. À cette “rénovation”, succédèrent consécutivement les “rénovations” de tous les niveaux, des manuels scolaires... En observant de loin, les étrangers admirent bien les “rénovations” continues d’un pays du tiers monde. Cela manifeste son effort pour avancer. Cependant, à vrai dire, malgré tous ses efforts de “rénovations” en dépensant une somme énorme d’argent pour chaque “rénovation”, l’éducation vietnamienne n’atteint pas encore le niveau souhaité.

Jamais dans le passé, le problème de l’éducation n’a été franchement et publiquement analysé, à maintes reprises dans les journaux, comme en cette année 2004. Nous remarquons que dans le compte-rendu du Président du ministre de l’Éducation et de la Formation ou du Service de l’Éducation est exposé toujours le même argument : beaucoup de progrès, grand investissement de la part du gouvernement pour l’éducation, renforcement de l’anglais dans le programme d’enseignement, progrès énorme de la qualité de l’éducation dans la banlieue, accroissement du pourcentage des élèves reçus aux examens, construction de l’Université de Saigon… Toute une litanie des autres “succès” est mentionnée de la même manière : réduction des frais de scolarité pour des enfants pauvres, des immigrés, construction des nouvelles écoles, bon régime pour les enseignants des régions lointaines… Nous entendions souvent ce genre de discours dans le passé. On est réticent à regarder en face la situation réelle et l’on oublie que sans cela on ne peut pas trouver les moyens adéquats permettant de remédier ou de relever la qualité de l’éducation. Mais, cette fois-ci, des réactions très fortes surgissent. En voici quelques exemples.

M. PHAM GIA KHIEM, cumulant les fonctions de vice-premier ministre et vice-président du conseil de l'Éducation nationale et M. NGUYEN MINH HIEN, ministre de l’Éducation et de la Formation ont organisé une rencontre qui a eu lieu à Ho Chi Minh-ville le 16 août 2004, avec une quarantaine de délégués des enseignants, des administrateurs de l’éducation et des chercheurs. Monsieur le ministre de l’Éducation et de la Formation NGUYEN MINH HIEN a ouvert la première séance par le résumé de “quelques succès acquis” et des “problèmes qui restent à résoudre”. Après ce mot d’ouverture du symposium, les délégués commençaient à exposer leurs réactions, opinions et soucis. Le professeur TRAN THANH DAM considérait le rapport du ministre comme une « façon d’explication plutôt qu’une recherche pour résoudre le problème » alors que le Congrès National a justement besoin de « résoudre le problème ». Le professeur DUONG THIEU TONG, lui, n’a pas donné son accord parce que selon lui, l’exposé n’est qu’un simple rapport et on attend une vraie « évaluation de la situation réelle et actuelle de l’éducation ». Dans son exposé, le chercheur TRAN BACH DANG a exigé l’“honnêteté” et qu’on “reconnaisse franchement” et courageusement le problème d’une manière scientifique. Selon lui, l’utilisation des mots, des expressions dans le rapport doit être très prudente. Par exemple, le ministre a proclamé qu’il « n’existe qu’un pourcentage négligeable des élèves manifestant insolence et mauvaise éducation ». Il faut oser regarder le problème en face car parfois des fléaux sociaux jaillissent de “choses insignifiantes”. (Je me permets ici de parler de “fléau social” plutôt que de fait social puisque je me situe bien dans cette recherche comme un acteur impliqué et non simplement comme un sociologue qui prétendrait à la neutralité absolue ...). TRAN BACH DANG a mis en évidence en même temps des “lacunes” différentes dans le rapport du Ministre qui n’a nullement abordé le domaine éducatif des pauvres, des personnes en difficulté familiale et dans lequel des objectifs de l’évaluation et des solutions proposées demeurent très vagues. Le Ministre a insisté sur des choses accessoires : le problème de donner des “cours particuliers”,[4] par exemple. Ce problème n’est pas une grande affaire dans l’éducation. Une bonne administration mettra fin automatiquement à ce mouvement. Le professeur TRAN THANH DAM exprime à son tour ses opinions : « L’éducation du Vietnam est tombé dans un processus de crise, au moins à partir de ces dix dernières années ». Selon lui, la plupart des raisons qui y amènent prennent leur source de la subjectivité de la direction et de l’administration dans l’éducation.

Le 14 septembre 2004 dans l’après-midi, l’ensemble de délégués du Comité du Peuple de Ho Chi Minh-ville, dont Mme PHAM PHUONG THAO est la présidente, rencontra les membres du Service de l’Éducation de Ho Chi Minh-ville en examinant la situation de l’éducation de cette ville pour relever sa qualité dans les années à venir. Mr LE HIEU DANG disait que « les problèmes exposés dans le compte-rendu restent encore trop simples ; serait-il raisonnable que la branche de l’enseignement ne rencontre pas de difficultés ? » Mr VO VAN SEN manifesta son tourment en disant : « Nous devons préciser où se tient la qualité de l’éducation […]. Nous ne pourrons trouver des moyens adéquats pour la relever qu’à cette condition ».

Le 27 septembre 2004, à Ha Noi, un nombre important de scientifiques et de spécialistes de l’éducation se réunissaient pour recueillir les opinions pour contribuer au contenu du rapport au sujet de la situation du système éducatif vietnamien. Cette rencontre eut pour but d’écouter les différentes opinions et réactions en vue de préparer le procès-verbal pour le prochain Congrès national. La plupart des délégués ont apprécié les efforts du Comité qui a rédigé ce 5e rapport en ayant recueilli assez d’opinions des enseignants et des spécialistes de l’éducation. Cependant à cause des soucis impérieux de la faiblesse et de l’esprit arriéré de l’éducation, un grand nombre de délégués exigèrent de creuser à fond sa qualité et les méthodes de l’enseignement. Le Professeur HOANG DINH TUY s’est exprimé ainsi : « Le problème fondamental de l’éducation vietnamienne aujourd’hui est le manque de synchronisme, resté arriéré et lent à rénover. C’est pourquoi les personnes responsables de diriger le bateau de l’éducation doivent être des personnes ayant une “vue plus large” pour bien répondre aux besoins de plus en plus élevés de la société ».

Certains scientifiques considèrent que le résultat de l’éducation n’atteint pas le niveau souhaité ; que les conditions qui président au développement de l’éducation sont arriérées ; que les enfants des familles démunies, de bas revenu, ainsi que les enfants des minorités ethniques rencontrent beaucoup d’obstacles dans l’approche de l’éducation. Persistent encore quelques phénomènes négatifs lents à surmonter tels que : faux rapports concernant les succès, triches lors des examens, enseignants incompétents, cours particuliers quasi obligatoires …

La 1ère séance de la 22e réunion du Comité permanent du Congrès national a eu lieu le 20 septembre 2004. Le Ministre de l’Éducation et de la Formation NGUYEN MINH HIEN a réalisé le rapport au sujet de la situation éducative du Vietnam. En réalité, il n’y a rien de nouveau par rapport à ce que les responsables du Ministère avaient déjà reconnu. Citons entre autres : la qualité de l’éducation n’atteignant pas le niveau visé, les méthodes éducatives arriérées, les phénomènes négatifs lents à surmonter… M. NGUYEN QUANG BINH, président du Comité du Peuple Volontaire du Congrès, a présenté une synthèse des observations de la part des électeurs et des enseignants, ce qui lui a fait prononcer un sens atténué à toutes ces limites. Et il a demandé d’ajouter au rapport présenté au Congrès toutes ces opinions qui sont dignes d’être signalées pour pouvoir les surmonter. Selon lui, le système éducatif vietnamien est vraiment arriéré. En le comparant avec celui de Thaïlande, il occupe une place très humble : 50 fois pire que celui de Thaïlande ! Il existe seulement 6% de la population qui soit analphabète selon le rapport du Ministère de l’Education, un pourcentage relativement bas. Même les pays économiquement développés doivent s’efforcer de l’atteindre. Par contre Mr. BINH a montré un autre chiffre qui a fait sursauter tout le monde : environ 6,8 millions des personnes au-dessus de 10 ans ne mettaient jamais leurs pieds à l’école. Parmi ce nombre, 5,3 millions de personnes sont analphabètes. Selon lui, ce qui n’est pas très encourageant, c’est que même dans le contingent des intellectuels, des enseignants, des docteurs, il existe très peu de recherches valables, tandis que des initiatives, des recherches de personnes peu instruites valent beaucoup mieux et s’appliquent avec plus de conformité à la vie sociale. De même, la morale des maîtres et élèves se dégrade  de jour en jour. À côté de cela, la dépendance à la drogue des gens de plus en plus jeunes, l’insulte des élèves envers les maîtres, le choix de films « malsains »… deviennent un phénomène répandu que l’on n’a pas imaginé. Mais ces chauds problèmes sont abordés très vaguement dans le rapport considéré comme assez général rédigé par le Ministère de l’Education. M. BINH a reçu ce rapport et il a avoué qu’il l’a lu et relu plusieurs fois sans avoir pu trouver une solution adéquate.

De même, le rapport de vérification du “Comité de culture et de formation des adolescents et des enfants” présenté par M. NGUYEN DINH HUONG, vice-président, parait très “sévère”. Ce comité accentue spécialement les deux grands défis du système éducatif d’aujourd’hui : la tricherie dans l’éducation et l’extension rapide des cours particuliers. Le bilan est très lourd. La tricherie s’est énormément répandue dans beaucoup de régions et à plusieurs niveaux. Copier sur son voisin, corrompre un enseignant pour avoir une bonne note…., tout cela était considéré comme une honte hier et devient normal aujourd’hui. « Les parents achètent un diplôme pour leur enfant, il est donc normal d’offrir une enveloppe à l’enseignant pour lui obtenir une bonne note » a révélé le rapport. L’atmosphère de l’assemblée devint profonde et réfléchie à cette intervention de HUONG : « Dans l’histoire de l’éducation vietnamienne, jamais le service de prêter la main pour écrire thèse et mémoire ne s’est faite publiquement par la réclame comme aujourd’hui. C’est vrai que ces phénomènes “négatifs” sont économiquement incomparables aux conséquences causées par le détour des “enveloppes”. Cependant la perte de la morale sociale et de la qualité humaine est considérablement grave… ». Il faut ainsi comprendre que la misère casse les valeurs morales au profit de la simple survie. Résister à la corruption devient alors une entreprise très difficile.

Pour préparer la rentrée de la nouvelle année scolaire 2004-2005, la direction de l’école TRUONG VINH KY à Ho Chi Minh-ville a organisé une session pédagogique pour les enseignants de l’école. Y était présent M. LE NGOC TRA, directeur de l’institut de recherche de l’éducation de l’Université de pédagogie de Ho Chi Minh-ville. À la fin de la session, les journalistes de “GIAO DUC” (l’Education) lui ont posé de nombreuses questions pressantes sur la situation actuelle de l’éducation. En voici quelques extraits qui reflètent un tableau peu encourageant. [5]

Monsieur, la dégradation intensive de l’éducation est le problème le plus pressant de la société d’aujourd’hui. Comment l’expliquer selon vous ?

À mon avis, l’éducation de notre pays est un tableau qui reflète la situation de la société en général. Notre pays demeure dans une étape de changement complexe du système des subventions budgétaires à l’économie du marché selon les orientations socialistes. L’environnement scolaire ne peut pas sortir évidemment de cette trajectoire. De plus, il en est influencé profondément. C’est pourquoi, l’école rencontre une grande difficulté pour bien accomplir son devoir d’enseignement. D’une part, le budget et l’investissement pour l’éducation demeurent très faibles. D’autre part, plusieurs valeurs sociales, morales, culturelles… sont banalisées : le phénomène de “vivre dissimulé”, “vivre double” devient de plus en plus répandu dans la société actuelle. Autrement dit, bien que depuis longtemps l’éducation soit considérée comme la “première politique nationale”, l’investissement pour l’éducation reste encore très bas (environ 14% du budget national). Étant très bas, le traitement de l’enseignant ne suffit pas à ses besoins familiaux…, ce qui rend difficile de garantir la bonne qualité ainsi que le bon résultat de l’éducation.…

Une autre raison qui freine le développement à la fois de l’économie et de l’éducation est que la société exige beaucoup trop de diplômes. Obtenir des diplômes sans talent réel, sans personnalité, cela ne sert à rien de bon pour la société et pour le bien du pays. De même, l’organisation des examens est rénovée tous les ans sans jamais être stable.

Il faut réviser les objectifs de l’éducation car, depuis longtemps, son concept reste indécis. Particulièrement, il faut préciser l’objectif de chaque matière. Depuis longtemps, je suis très soucieux de la qualité du contenu du programme des livres scolaires de tous niveaux : sans continuité ni unité (parce que rédigé par plusieurs groupes différents). De même, il est vraiment très lourd, au point de vue de la qualité et de la quantité. Comment les enseignants peuvent-ils trouver du temps pour rénover leurs méthodes d’enseignement et réaliser d’autres pratiques pédagogiques avec un tel contenu du programme ? Je proposerais donc de réduire le programme d’enseignement et son contenu, de diminuer les heures de classes des enseignants. En même temps, il faut changer, rénover la manière d’évaluation, du contrôle, du barème des notes… En un mot, il faut repenser son concept, remettre au point l’objectif, la place et le devoir de l’éducation du primaire à l’université.

Dans ces derniers mois, les organisations administratives du gouvernement en rapport avec l’éducation sont cruellement critiquées dans plusieurs domaines tant à l’information populaire qu’au Congrès national. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Selon mon point de vue, nos organisations administratives dans le domaine de l’éducation sont limitées dans plusieurs domaines. Il est nécessaire de les améliorer fortement. Tout le monde se soucie plus ou moins de l’éducation, mais il y a peu de recherches dans ce domaine. La faculté de psychologie de l’éducation à l’Université devrait être la plus forte. Mais la réalité n’est pas tout à fait comme nous le pensons. Dans les pays étrangers, la faculté des sciences de l’éducation est  appréciée et se développe très rapidement. Evidemment, nous savons que la plupart des enseignants vivent dans une situation économiquement difficile : bas salaire, conditions de vie instables. Ils ne peuvent entièrement s’investir dans l’enseignement. Cependant, il ne faut pas leur attribuer complètement toute la faute. Sincèrement parlant, les enseignants ne sont pas bien préparés aux besoins essentiels par l’école normale, au niveau de la qualité et des capacités pédagogiques. Qualité : peu de formation sur la personnalité et l’amour de son métier. Capacités pédagogiques : on ne parle que des capacités d’enseignements, de connaissances. Les méthodes pédagogiques sont oubliées et même les nécessités professionnelles et essentielles ne sont pas suffisamment abordées telles que : la tâche concernant les examens, la classification d’évaluation des élèves. Les étudiants ne sont pas préparés pour leur future tâche d’éducation. Autrement dit, des enseignants qui ne savent que transmettre leurs connaissances sont nombreux mais ceux qui savent éduquer, aider les enfants à devenir hommes sont insuffisants bien que ce soit la nécessité la plus importante. C’est pourquoi la rénovation des méthodes d’enseigner et d’apprendre est remise en question. Mais cette question doit être reconceptualisée, réexaminée à partir de l’origine parce que jusqu’à présent nous avons intellectualisé l’éducation des élèves. La réalité nous révèle le phénomène de modeler, d’imposer machinalement la pensée. C’est ce qui est arrivé tant dans les écoles secondaires que dans les universités et qui, en neutralisant l’individu, ne favorise pas le développement de la créativité et ne permet pas à l’enfant d’oser penser, d’agir et d’assumer sa responsabilité… Le concept d’éducation actuel est d’individualiser l’enseignement. C’est-à-dire que l’enseignement exige l’accompagnement de chaque élève en l’aidant individuellement à développer ses talents, sa créativité, ses pensées, sa personnalité. Agir ainsi assure l’humanité et la justice dans l’éducation.

2- Que faire ?

Devant cette situation de l’éducation actuelle, la rénovation est nécessaire. C’est un besoin urgent et une collaboration active de toute la société. Mais c’est aussi un problème à plusieurs inconnues. Pour les résoudre, une condition essentielle est d’oser faire face à toutes ces lacunes sans jamais chercher à les camoufler.

Mme NGUYEN THI BINH, ancienne vice-présidente nationale, étant ministre du Ministère d'Éducation et de Formation pendant plusieurs années est une femme de cœur et très dynamique pour l’éducation du pays. Devant la dégradation du système éducatif, elle propose de choisir l’an 2005 comme l’an “de relèvement de l’éducation” en présentant des tâches très concrètes à “réaliser tout de suite”. Elle s’exprime : Selon moi, plus que jamais, il faut bien estimer  l’honnêteté, la personnalité du maître, des administrateurs de l’éducation. Il exige de lutter contre la tricherie dans les examens, le désir d’obtenir le résultat à tout prix, l’extension “négative” du phénomène de donner des cours particuliers, l’encaissement des frais supplémentaires non autorisé. Son entretien avec les journalistes de “TUOI TRE” propose quelques pistes.[6]

Madame, pour relever l’éducation, que doit faire la branche de l’enseignement ? Selon vous, quelles sont les tâches concrètes qui sont les premiers besoins ?

Voici la stratégie du gouvernement au sujet de l’éducation. D’ici à l’an 2010 : 50% des élèves suivront le cycle secondaire; 200/1000 de la population entrera dans les universités. Je doute du résultat de cet objectif car les conditions primordiales restent encore insuffisantes. Pour y répondre, nous devons faire un grand effort. Relever l’éducation, c’est donc l’effort de résoudre les besoins urgents en vue de résoudre les insuffisances de la branche de l’éducation actuelle dans le domaine de la qualité en général, de la discipline dans l’école, du nombre et de la qualité des enseignants et surtout dans le domaine de l’administration.

Selon moi, aller chercher une solution pour le relèvement de l’éducation doit revenir au point–clé : réalité de la qualité des administrateurs de l’éducation et des enseignants. Aujourd’hui, cela exige de renforcer la formation d’une forte équipe d’enseignants sous tous les aspects, particulièrement celui de la personnalité politique, de la qualité de la manière de vivre, de la conscience professionnelle.

 

Pourquoi redresser, construire une équipe d’enseignants, d’administrateurs de l’éducation est-elle la première priorité pour le relèvement de l’éducation ?

Ce n’est pas qu’il n’existe pas de bonnes écoles, de bons enseignants qui ont du cœur et qui responsabilisent la jeune génération. Cependant il faut reconnaître que les phénomènes négatifs se sont répandus et continuent à se répandre dans l’école. Le nombre des enseignants dont la qualité baisse, qui courent après l’argent, qui ne prennent pas au sérieux de leur responsabilité, augmente de jour en jour. Le phénomène de donner des cours particuliers est comme une épidémie qui se propage rapidement et d’une manière très “négative”, ce qui entraîne la tricherie dans les examens, des faux diplômes… Ces fléaux influencent à la fois la qualité de la formation des enseignants et la morale de la jeune génération.

La directive No 40 a soulevé : « il est nécessaire de réviser, filtrer les enseignants, les administrateurs ». C’est vrai qu’il faut réviser sérieusement la conduite de chaque enseignant et de chaque administrateur et décider de déplacer les personnes incompétentes et celles qui manquent de bonne conduite. La révision de l’équipe des enseignants est un travail difficile et complexe. Mais ce n’est pas parce qu’il est difficile et complexe qu’on doit le laisser tomber à l’eau. Evidemment, il est nécessaire qu’une politique concrète soit mise en exécution. Même les jeunes enseignants qui ont été formés officiellement ne sont pas sûrs d’avoir obtenu le niveau demandé et la qualité nécessaire pour répondre aux nouveaux besoins…

Et pour réaliser ces objectifs dans cette situation actuelle, quels sont les moyens concrets dont le bureau d’administration de l’éducation a besoin ?

Concrètement parlant, il est nécessaire de pénétrer à fond ce concept : “le professeur n’enseigne pas seulement la culture mais éduque l’homme”. D’abord, le maître doit donner le bon exemple dans sa manière de vivre. Le maître doit être un bon enseignant, compétent en éducation morale et humaine. Il enseigne l’élève à se maîtriser, à être dynamique. L’élève doit prendre conscience qu’apprendre, c’est pour comprendre et agir d’une manière créative. En particulier, les professeurs des universités doivent changer et rénover leurs méthodes d’enseignement en aidant les étudiants à savoir apprendre d’une manière active et créative, mettre en relation avec la réalité et préparer pour soi-même une entrée assurée dans la vie.

Par expérience de l’administration directe dans le bureau de l’éducation pendant plusieurs années, selon vous, l’épidémie de donner des cours particuliers pourrait-elle être résolue ?

Je crois que le phénomène de donner des cours particuliers illimités est commercialisé… et pourrait être résolu complètement à condition que le bureau de l’administration prenne des mesures suffisamment sévères et fortes. Donner des cours particuliers d’une manière “négative” condamnée par la société vient partiellement de la baisse de la morale, du pragmatisme d’une grande partie des enseignants. Mais c’est aussi la faute des administrateurs de l’éducation de tous niveaux qui relâchent le contrôle. Il arrive même, je crois, qu’on “ferme les yeux” et qu’on s’accorde avec des éléments mauvais…

3- Tableau gris

a) Conséquences inattendues

À l’entrée de plusieurs grandes écoles, surtout pendant une vingtaine d’années après1975, un slogan de Kouang Tseu, fièrement dressé au premier plan, frappait les yeux de tous les passants. La jeune génération croit fermement que son auteur est Ho Chi Minh :

“Pour l’intérêt de dix ans, plante un arbre,

Pour l’intérêt de cent ans, instruis le peuple”.

(Kouang-Tseu, Chine IVe-IIIe s.av. J.-C.)

L’évaluation d’un système éducatif après une trentaine d’années est nécessaire pour toute rénovation. Cependant, l’éducation est un problème bien délicat et sensible. Nous devons l’“évaluer avec prudence”, a remarqué PHAM GIA KHIEM, vice-ministre du ministère de l’Éducation et de la Formation. « Une juste évaluation d’un système éducatif nécessite un concept juste », a dit le professeur NGUYEN VAN HANH, ancien ministre adjoint du Ministère de l’Éducation et de la Formation. C’est vrai que le Service de l'Éducation de Ho Chi Minh-ville en particulier a fait beaucoup de progrès encourageants dans les années passées. Cependant, en examinant les besoins et la situation de la société actuelle, le résultat des examens, la mentalité et la manière de vivre et les comportements des jeunes, il faut aussi beaucoup d’efforts pour y croire sans arriver à se convaincre de l’efficacité de ce système éducatif.

b) D’abord le résultat du concours d’entrée à l’Université

Selon des statistiques cherchées sur Internet dépendant du gouvernement vietnamien , en 2003, seulement 14% des étudiants obtenaient la moyenne dans les trois disciplines (15/30) au concours d’entrée à l’université. Le résultat de celui de 2002 était pareil.

 

2002

2003

Nombre des candidats

Moyenne

Pourcentage en dessous de la moyenne

823 402

8,39

86,6%

874 402

8,27

86%

Ce résultat manifeste la qualité de l’enseignement dans les écoles d’aujourd’hui. C’est le résultat d’une longue période où les responsables de l’éducation, courant après le désir d’obtenir des résultats, proposent des indices très élevés, se donnent facilement la permission de les atteindre et se réjouissent du résultat obtenu. Le pourcentage de la réussite du baccalauréat des écoles dépasse toujours les 90%. Certaines atteignent jusqu’à 100%. Mais la qualité réelle des lauréats n’est pas ainsi, ce qui est révélé aux concours d’entrée à l’Université : 86% sont au-dessous de la moyenne. C’est un résultat issu du psittacisme qui règne dans la plupart des écoles de tous niveaux. Les étudiants ont appris aussi cette méthode dans les écoles normales. À leur tour, ils continuent à appliquer cette méthode à leurs élèves, répétant exactement ce qu’ils ont étudié à l’école en obligeant les enfants à étudier par cœur sans comprendre. Les élèves ne connaissent pas ainsi la manière d’apprendre et ignorent la responsabilité de leurs études. Les sujets des devoirs de contrôle pendant l’année et du baccalauréat adoptent encore cette orientation. Aussi n’y a-t-il rien d’étonnant dans les mirobolants résultats des examens de fin du cycle secondaire.

Trop lointains sont ces différents niveaux de l’apprentissages soulevés par Philippe Meirieu : « Il y aurait d’abord une phase d’identification appuyées sur des capacités sensorielles, au cours de laquelle le sujet mettrait en œuvre des activités perceptives appuyées sur des capacités sensorielles, suivie d’une phase centrée sur la signification dans laquelle le sujet intégrerait la nouveauté en percevant son intérêt, l’usage qu’il peut en faire ou le sens qu’il peut lui donner et ensuite une phase d’utilisation où le sujet réinvestirait la connaissance, l’utiliserait à des fins personnelles, bref en maîtriserait enfin l’usage et la posséderait vraiment. Les connaissances s’emboîteraient alors ainsi : je dois d’abord savoir que le marteau est dans l’atelier, je dois ensuite savoir à quoi sert le marteau pour pouvoir, enfin, utiliser cet outil »[7].

C’est pourquoi, au concours d’entrée à l’Université, quand les épreuves écrites visent la compréhension et le raisonnement, la créativité, la plupart des candidats perdent pieds. Un tel résultat obtenu pendant plusieurs années consécutives, n’a d’autre raison que la méthode d’enseignement et d’apprentissage, et l’organisation des concours et examens dans l’école secondaire, inadaptées. À qui la responsabilité ? Elle repose à la fois sur les enseignants inconscients de leur rôle d’éducateur et les élèves qui ne savent pas apprendre. Le rôle de l’éducateur est de « “susciter et développer” des compétences identifiées en fonction de leur utilité sociale » [8]. Le maître doit chercher à faire apprendre, à fournir des outils précis… : « il importe qu’il soit travaillé par ce sentiment de dépossession qui lui fait récuser sans cesse la position de géniteur ; il est bon, à bien des égards, qu’il se dise seulement “éveilleur”, et suppose que, si les choses naissent par lui, elles ne naissent pas de lui. Il est bon que, cherchant à enseigner, il fasse découvrir, et qu’ainsi lui échappe la force de la transmission »[9]. Par contre, maîtres et élèves courent à l’envi au résultat. Les critères d’évaluation des études des élèves restent encore très vagues et ne manifestent pas leur vraie qualité. De même, l’appréciation d’un enseignant de la part de la direction de l’école varie en fonction des redoublants de sa classe. Un enseignant est considéré comme un bon professeur, si sa classe n’a aucun redoublant à la fin de l’année scolaire.

c) Violence dans l’école

« La violence scolaire n’explose pas mais se banalise »[10]. Comme l’a remarqué Bernard GORGE, les agressions de la vie quotidienne, dégradations des biens, et petits vols d’objets augmentent beaucoup en France. On peut dire la même chose concernant le Vietnam. Notre communauté “garde” 70 pensionnaires dont la plupart sont provinciaux. Ils fréquentent des écoles aux alentours à l’extérieur de notre communauté. De petits vols se font souvent sans pouvoir les repérer. D’ailleurs, les victimes ne le racontent aux responsables ou surveillants que rarement et craignent la vengeance. Certains se servent des chemises, des savates de leurs camarades aisément, sans aucun remords et sans aucun concept de demande de permission. À l’école les chefs de bande détroussent les petits. À la demande de n’importe quoi, le petit le lui offre rapidement. Il n’ose le rapporter aux enseignants de l’école ni à ses tuteurs.

En revanche, les violences les plus graves sont moins fréquentes. L’année dernière, deux jeunes filles de la classe terminale ont été tuées par jalousie à coups de couteau thaïlandais. L’utilisation des armes ou l’agression des professeurs ne progressent pas ou faiblement.

Il n’est pas rare que des professeurs soient frappés par des élèves. Aujourd’hui, les situations sont renversées : ce n'est plus “l'élève maltraité”, mais “le professeur maltraité”. « Les faits divers tragiques et les récits spectaculaires qu’en font certains médias exacerbent la sensibilité de l’opinion publique à la délinquance juvénile. Ainsi, vendredi dernier, le grand frère d’une élève du collège d’Alès (Gard) a fait irruption dans une salle de classe, avant de rouer de coups le professeur de français. Lundi, c’est un élève de Saint-Étienne qui a été poignardé en pleine cour du lycée Saint-Louis. Des événements gravissimes mais qui ont tendance à tronquer la représentation de la violence à l’école. » [11]

Et au Vietnam. La cour du lycée d'une province du centre du Vietnam devint un tribunal pour juger un élève de Première pour avoir frappé un surveillant dans la salle d'examen.

Des centaines de personnes présentes à ce jugement furent bouleversées devant la parfaite connaissance des moyens de défense de l'accusé devant le tribunal.

 - Qu'est-ce qui attire votre regard en premier en entrant dans une école, dans une classe ? – La maxime : “la politesse d'abord, les lettres après.”

- Comment est-ce que vous comprenez cette parole d'un sage chinois “nhat tu vi su, ban tu vi su” ? - Je comprends que quand quelqu'un m'apprend une lettre, il est mon maître. Mais quand je n'apprends qu'une demi-lettre de lui, il est aussi mon maître.

- Une des traditions de notre peuple dont tout le monde prend conscience, vous la connaissez et la comprenez ? - C'est la tradition : vénérer le maître et respecter le principe moral.

- Bien ! À travers les âges, les Vietnamiens résument le principe des relations dans la société en trois mots. Vous les connaissez ? - Oui, ce sont ces trois mots : roi, maître, père. Un pays nécessite un roi. Les parents nous donnent un corps, mais sans le maître, nous ne pouvons pas devenir homme.

- Très bien ! Vous avez tout compris ! Et pourquoi avez-vous frappé votre maître ? - Ç'a été inconscient !

Le tribunal a condamné cet élève à 18 mois de prison ferme, un élève que l’on peut considérer comme intelligent, au vu de ses réponses pertinentes et qui a interprété sa violence par une “inconscience”. Cet acte dit “inconscient” se traduit par l'acte d'accusation suivant : un coup de poing au visage du surveillant quand celui-ci l'accuse d'avoir “copié” ses devoirs plusieurs fois. Il lui assène ensuite un coup de chaise. Quand les autres professeurs viennent le dissuader, il menace de brûler la maison du surveillant...

Comment échapper à la condamnation devant des preuves aussi accablantes ? Mais une réflexion doit s'imposer aux parents, aux professeurs, à toutes les personnes présentes à ce jugement, sur le comportement contradictoire de cet adolescent de 17 ans. Il sait par cœur tout ce qu'on lui a appris : la politesse, la vénération du maître, la morale... et cependant il frappe.

Est-ce que tout ce qu'il a étudié à l'école, tout ce qu'il a lu dans les livres à propos de la morale, n'a plus de raison d'être ni dans sa vie ni dans ses rapports avec les autres ? La tradition de “vénérer le maître et de respecter le principe moral” léguée depuis des milliers d'années est-elle devenue désuète avec le temps ?

De même, un événement est survenu le 8 mai 2004 dans l’école secondaire Hac Dich, district de Tan Thanh, province de Ba-Ria-Vung Tau (sud-Vietnam). Cinq élèves de cette école ont frappé un professeur jusqu’au moment où il est tombé en syncope, uniquement parce qu’ils ont obtenu une mauvaise note[12]. Un autre élève de la classe de quatrième de l’école Tran Quoc Toan, district de Phan Ri, province de Binh Thuan (sud-Vietnam) s’est précipité dans la classe, est foncé sur le professeur Le Hai Xuan  qui est en train de donner son cours et lui a asséné rapidement un coup de matraque sur la tête, aussi uniquement parce qu’il a obtenu une mauvaise note...  Un autre cas est arrivé dans une école du district de Cu chi, Ho Chi Minh-ville. Dung et Tung, élèves de troisième, se sont disputés pendant la récréation et Dung a giflé Tung deux fois. Imédiatement, Tung est revenu chez lui pour appeler au secours.  Ses parents sont venus tout de suite et ont frappé Dung dans la cour même de l’école jusqu’au moment où il est tombé en syncope également, sous les yeux des surveillants et des enseignants sans aucune intervention de leur part. Les coupables sont arrêtés et jugés évidemment. Les conséquences des actes perturbant l’ordre public et entrainant des blessures s’aggravent selon les lois vietnamiennes, surtout quand ils touchent directement des élèves et dans la cour même de l’école. Aucun enseignant ou représentant de la dite école n’est présent au jugement bien qu’ils soient invités. Le tribunal a fait cette remarque : « Etant enseignant, il doit protéger son élève même s’il risque de mourir ». Et par cet incident, le conseil du jugement a rappelé le manque de sécurité de l’école en laissant la porte d’entrée libre à n’importe qui [13]

Où sont les vraies causes : l'érosion des valeurs familiales ou la dévalorisation des modèles sociaux traditionnels ? Nombre d'enfants et d’adultes n’y pensent pas. Savoir est une chose. Mettre en pratique est une autre étape qu'on ne franchit pas nécessairement.

c) D’où viennent toutes ces lacunes ?

Selon une recherche [14] de NGUYEN QUOC THANH, toutes ces lacunes proviennent des styles “négatifs” de vie, de la récession des personnes du cadre, des fonctionnaires en général. Les enseignants n’échappent pas non plus à ce phénomène très répandu dans tous les domaines. M. NGUYEN TUNG TRUC, directeur de l’école des cadres de Ho Chi Minh-ville a affirmé que « la baisse de la morale des personnes du cadre est très grave et urgente à rectifier ».

Les statistiques manifestent le souci des autorités et de la plupart de la population, parce que ce phénomène influence directement l’avenir du pays.

Le groupe réalisant la recherche a enquêté auprès de 311 personnes : femmes : 74,3% ; hommes : 25,7%.

Catégories de personnes

Pourcentage (%)

En dessous de 30 ans

11,3

De 30-40 ans

35,4

De 41-50 ans

32,5

En dessus de 50 ans

20,9

personnes du cadre

40,8

Gens civils

59,2

Service pour le parti

8,0

Administrateurs du gouvernement

17,0

Administrateurs économiques

15,1

Service commercial

22,5

Protecteur de la loi

4,2

Service des différentes Sociétés

8,4

Fonctionnaire retraité

10,3

Autres services

14,5

Niveau de la baisse de la morale des personnes du cadre, des fonctionnaires en général à Ho Chi Minh-ville :

Niveau de gravité

Pourcentage des personnes enquêtées

Très grave

18,0

Grave

36,3

Relativement grave

40,5

Négligeable

5,1

 

10 premiers signes visibles de la “dégénération” de la vertu morale parmi les 30 enquêtés.

Signes visibles de la banalisation

Pourcentage des personnes enquêtées

Classement

 

Piller

79,4

1

Abus de son autorité

74,0

2

Accumulation de biens

74,0

3

Gaspillage des biens communs

70,7

4

Bureaucratisme

69,5

5

Sectarisme

58,2

6

Achat de titres

56,9

7

“Parapluie”

55,3

8

Par occasions

55,0

9

Manque de responsabilités

54

10

En examinant le résultat, 54% des personnes enquêtées signalent la gravité de ce phénomène : « très grave », (18%) et « grave », 36,3%. Avec la course actuelle après l’argent, ce pourcentage s’élèvera de jour en jour si l’on ne prend pas des moyens efficaces pour juguler cette épidémie.

Les dix premiers signes visibles de la baisse de la morale révélant le même souci sont à signaler. La baisse morale rapide des personnes du cadre, des fonctionnaires suscite ceux-ci à dépasser la limite de la morale et à transgresser la loi.

« Piller », ce phénomène occupe le premier niveau selon les enquêtes et manifeste une partie de la situation sociale actuelle. « Rien ne se fait gratuitement », ont remarqué ironiquement des gens. Il existe toujours ce dessous-de-table que le peuple vietnamien appelle “première démarche”,[15] ce qui est assez répandu dans plusieurs domaines et niveaux. À l’arrivée de l’aéroport Tan Son Nhat (Saigon), maintes personnes étrangères d’origine vietnamienne pourrissent les personnes du cadre en glissant 5 ou 10 USD pour passer vite, sans être contrôlés minutieusement. Le dessous-de-table visible et sans déguisement que je n’ai jamais vu pourrait être à la frontière du Vietnam et du Cambodge. Pour éviter de faire la queue péniblement, on donne à un intermédiaire 5 dollars américains pour compléter toutes les formalités d’entrée au Cambodge. Et on n’a plus qu’à rester à la cafétéria pour attendre le résultat.

Récemment, après l’examen de fin du premier semestre de l’année scolaire 2004-2005, j’ai fait une démarche pour aider un élève de 8ème à changer d’école. Le vice-directeur proposa un prix de 200 USD qui est inaccessible pour cette famille pauvre. À partir de l’exigence du dessous-de-table pour ces petites choses, les lecteurs peuvent en déduire ce qu’il en est pour les affaires à niveau supérieur. Pour récupérer une maison “empruntée” par les autorités par exemple, le prix proposé est vertigineux. C’est le cas de notre maison au Cap Saint-Jacques (sud-Vietnam), dans une propriété de 13 000 m². Les autorités l’ont “empruntée”, maison et propriété, depuis 1978 pour le « service commun », en utilisant toujours la formule parce que le pays “reste encore en difficulté” pour confisquer souvent n’importe quoi. À partir de 1996, l’Institut a commencé à faire la démarche pour reprendre toutes ces propriétés. Sans réponse, nous avons déposé de nouveau les mêmes dossiers un an après. En 1998, a commencé la construction d’un hôtel à 3 étages de la Compagnie SEA FOODS qui fut finie en l’an 2000. Au début de 2004, j’ai redéposé moi-même les dossiers en prenant d’abord contact avec une personne du parti. Après avoir étudié le dossier, il m’a répondu oui et m’a proposé un prix : la moitié de la valeur de la propriété !

En réalité, la baisse morale des personnes du cadre a une raison à la fois objective et subjective. Raison objective : d’une part, la vie de la plupart de ces personnes, venues du nord-vietnam, était dure, pauvre et difficile. Elles s’habituent peu à peu aux cadeaux offerts qui leur sont irrésistibles. Les besoins se multiplient. Une signature, un simple rôle intermédiaire rapportent un bénéfice égal à un salaire d’un an ou même plus. Ce n’est pas facile d’y résister. D’autre part, le système d’administration est relâchée mais bureaucratique, compliqué et manque de contrôle. Les fonctionnaires profitent ainsi des interstices de la loi pour entraver les gens. Je me permets de donner tous ces détails dans la logique ethnographique qui affirment que la simple collecte des données peut fournir du sens . La pensée sociale ne peut se construire qu’avec l’aide des données les plus apparemment insignifiantes : Si parfois dans mon travail cela peut donner l’impression d’une perte descriptiviste, cela permet aussi de saisir la complexité de la réalité qui ne se réduit aux grandes idées générales.

Si je reprends le fil de mon discours , raison subjective : Sincèrement parlant, le niveau de connaissance des fonctionnaires est très bas, révélant la connaissance fausse de la société, s’accrochant à sa fonction pour grignoter. « Servir le peuple », « diligence, économie, intégrité et droiture », « tout à la collectivité et rien à l’intérêt personnel », des maximes de ce genre leur paraissent peu réalistes et vides de sens bien qu’elles dominent dans tous les offices. 79,4% des personnes enquêtés le reconnaissent.

Paradoxalement, des  personnes du cadre, des fonctionnaires qui transgressent la loi, qui mènent une vie parfois peu édifiante sont des gens riches qui ne manquent de rien. Mais l’avidité reste toujours sans limite. Cela montre que le problème du salaire est nécessaire mais n’est pas primordial. Un chauffeur de taxi honnête rend toujours à son client son portefeuille oubliée dans sa voiture. De même, un fonctionnaire ne fait pas ce qui est contraire à sa conscience.

Jeux avec les chiffres

Le « résultatisme » (le phénomène de l’exagération du résultat obtenu) devient aujourd’hui quelque chose de très normal ou plus exactement de très important et répandu non seulement dans les villes mais déjà apparu dans les provinces du Vietnam. Les outils et méthodes et les manières de réaliser ce « résultatisme » pourrait être résumée dans cette expression : « jeux avec les chiffres ». Cela montre que les approches qualitatives si souvent contestées donnent souvent autant de vérité alors que les chiffres ici trafiqués !

D’abord il faut et il suffit d’aborder le « résultatisme » dans l’éducation, parce que ses méfaits sont doubles. Avec un chiffre publié, il ne peut tromper les parents ni les investisseurs c’est-à-dire des adultes d’aujourd’hui. Par contre, il nuit à la jeunesse qui ne croit plus à l’honnêteté des adultes et qui deviendra plus tard à leur tour, des aimants du « résultatisme ». Voici quelques chiffres qui illustrent cette considération : selon les rapports des 50 provinces et villes, les données sommaires de la réussite du baccalauréat atteignent jusqu’à 94,71%, parmi lesquelles, 13 provinces et villes dépassent cette limite. Citons entre autres : Nam Dinh 99,87%, Quang Ninh 99,5%, Thanh Hoa 99,2%, Hai Phong 99,6%, Ha Tay 97,7%. Ces provinces et villes sont toutes situées au Nord-Vietnam. Ainsi ce résultat de la réussite pose un grand point d’interrogation sur leur franchise et honnêteté car il est difficilement imaginable que la qualité des écoles dans ces provinces dépassent celle des grandes villes. En particulier, Ha Tay considérée comme un bouc émissaire est visée par les autorités compétentes pendant ces mois-ci. Le Ministère de la Formation et de l’Éducation a envoyé un urgent message officiel demandant au directeur du Service de la Formation et de l’Éducation de Ha Tay de réexaminer, évaluer l’organisation des examens du baccalauréat ; de faire son autocritique pour préciser clairement la responsabilité de chaque division et individu en mettant au clair ceux ou celui qui a transgressé les statuts de l’examen pour les traiter selon les lois du gouvernement. Ce message mentionne expressément : « Le directeur du Service de la Formation et de l’Éducation de Ha Tay met en exécution immédiatement de recréer un jury d’examen pour recorriger les copies du baccalauréat. En particulier, ce nouveau jury d’examen doit recorriger les copies des 3 autres jurys d’examen qui manifestent le plus des transgressions des statuts dans les salles d’examen, tels que : les écoles secondaires Phu Xuyen A, Dong Quan et Xuan Mai (école privée) ». Le résultat du concours d’entrée à l’Université de cette année révèle qu’il y a 18 000 copies obtenant la note de zéro ; environ 15 000 autres obtiennent 1/3 de la note maximale ! Quel est le “vrai degré” du chiffre de la réussite du baccalauréat donné dans les rapports des provinces ?  Selon les rapports officiels, les provinces et villes qui ont obtenu des critères exigeants pour ouvrir des écoles secondaires atteignent le chiffre de 31 parmi lesquelles certaines provinces sont retirées dans lesquelles habitent des minorités ethniques qui ne parlent pas tous couramment vietnamien. Et ils ont quand même réussi.

Récemment, un sondage du peuple au sujet du renouveau de l’administration attire bien notre attention. Selon Mme Phuong Thao, présidente du Comité populaire de Ho Chi Minh-ville, plusieurs offices de cette ville ont publié un très élevé pourcentage de contentement de la manière de travailler dans leurs bureaux : du bureau de la Circulation et de l’Administration des Travaux Publics, 99% ; du Service des Travailleurs et des Invalides, 100% ; de l’Agriculture et du Développement de la Campagne, 94,3%. Et elle a soulevé un doute : « est-ce qu’il y a quelqu’un qui croit en cette “réalité” » ? Il est presque sûr que si l’on mène le sondage par vote secret et qu’un autre office dépouille le scrutin, le résultat n’atteindrait pas ce chiffre de pourcentage.

C’est cela qu’on appelle « jouer avec les chiffres ».

Le reste de l’ancien régime ?

Après la chute de Saigon en 1975, tous les enseignants qui désirèrent continuer leur métier d’enseignant, devaient obligatoirement participer à une formation pour être “bon enseignant” du régime socialiste. Je me rappelle toujours cette affirmation du conférencier à la question d’un professeur au sujet de la correction des “mauvais élèves” : « il n’y a que de bons élèves dans une école socialiste », a affirmé le conférencier. Tout système dictatorial se construit sur une idéalisation des effets qu’il prétend induire.  Et pendant plusieurs des années qui suivirent, l’arrière plan de la société fut toujours attribué au « reste de l’ancien régime ». L’ambition ou l’illusion des responsabilités les poussaient à monopoliser l’éducation pour former une génération d’hommes socialistes.

Pêle-mêle dans la salle d’examen

Depuis l’année 2005, les journaux ont abordé le sujet du désordre à l’intérieur des salles d’examen et la bagarre en dehors. Pendant le concours d’entrée au niveau 10 ainsi que pendant l’examen du baccalauréat de cette année 2006, ce phénomène semble s’accélérer (photo, p. 221). À l’école Luong The Vinh par exemple, « un jeune homme s’est enfoncé subitement dans la salle d’examen de mathématiques et emparé du sujet de concours sans être arrêté par les surveillants »[16]. Mais, pendant ces mois de la fin d’année 2006, ce qui a soulevé souvent des discussions et est considéré comme “actuel” dans l’éducation, ce sont les 4 épisodes d’un film tourné par un enseignant au centre d’examen de l’école Nam Dan 2, province de Nghe An (nord du centre du Vietnam). Ces 4 épisodes ayant pour titre « À l’intérieur de la salle d’examen », « lancement des copies », « histoire », « langue étrangère », sont postés sur Internet au site « edu.net.vn » avec le « nickname » edu2. Ils ne furent publiés que 3 mois après les examens du baccalauréat par crainte de vengeance. Ce film est tourné à l’aide d’un téléphone portable avec des images très précises et nettes. Ceux qui les regardent sursautent en voyant les premières images de la 1ère épisode « à l’intérieur de la salle d’examen » : les surveillants sortent sur la véranda pour bavarder tandis qu’à l’intérieur de la salle, les candidats se déplacent librement, arrachent les copies de leurs voisins, tournent le dos pour copier. L’épisode « lancement des copies » est encore plus choquante. J’ai proposé en annexe des coupures de presse relatant ces faits.   Dans la cour, des gens vont et viennent tumultueusement. Une dizaine de personnes s’accrochent à la fenêtre de la salle d’examen ou circulent dans la véranda comme chez eux. Quelques adultes portant un chapeau de soldat, montent directement au 2e étage, l’un d’eux lance à l’intérieur le papier tandis que les autres, pour plus de sûreté entrent dans la salle pour déposer le message. Le film présente encore ces images qui attirent notre attention. Un policier en uniforme monte au 2e étage, là où se tiennent encore des « visiteurs non invités ». Il se glisse parmi ces personnes avec une attitude vraiment tranquille comme si elles étaient à leurs places normales tandis que les autres entrent et sortent de la salle comme chez eux. Quand le policier retourne en arrière, l’homme qui porte le chapeau du soldat fait semblant de s’écarter. Mais quand le policier descend au premier étage, il entre de nouveau dans la salle d’examen...[17]

Après la publication des images des jours de désordre au centre d’examen Nam Dan 2, les inspecteurs du Service de la Formation et de l’Éducation de la Province de Nghe An demandèrent à 75 surveillants de ce centre d’en faire un rapport détaillé. La plupart d’entre eux justifièrent leur indiscipline sous le prétexte qu’ils supportent une pression trop grande : « Les surveillants ne veulent pas la sévérité par crainte de la brutalité de la part des parents des candidats. Et ceci est déjà arrivé dans le passé ». M. TRI, président du centre, dit que « tout s’est passé normalement » ! pendant le concours de géographie tandis que pendant celui de mathématiques, il confirme l’existence du désordre et qu’il avait eu l’intention de demander l’ordre d’arrêter l’examen. Mais les piles de son téléphones étaient taries !

Un autre incident à la fois rare et très frappant survenu pendant les jours d’examen fut découvert au cœur même du bureau du Ministère de l’Éducation et se rapporte à une personne de ce bureau. Cela vaut la peine de le publier car cet incident est arrivé à deux pas du bureau du Ministre de l’Éducation !

Tricherie bien orchestrée.

122 candidats participaient au concours de recrutement des fonctionnaires de l’an 2006 du Ministère de l’Éducation, concours se composant de trois matières : administration nationale, informatique et langue étrangère. 44 candidats sur 122 devraient être embauchés. L’examen de langue eut lieu le premier jour : le 11 septembre 2006. Mlle Hoa (cadre du secrétariat du Comité du Peuple de la province de Thai Binh-Nord Vietnam, candidate pour le bureau d’émulation) et M. Viet (cadre du Service de l’Éducation de Thai Binh, candidat pour le Projet de la finance), demandent tous deux la permission d’aller aux toilettes. Mais, M. Hòang Gia Khiêm, vice-Ministre de l’Éducation, découvre par hasard la présence des deux, dans le bureau de Mme Dao Thi Binh, chef du bureau général, appartenant au bureau du Ministère. Mme Binh est la sœur de la candidate Hoa. On découvre encore une autre personne dans le bureau de Mme Binh qui ne travaille pas au ministère de l’Éducation. Ces deux candidats ont subi sur place un procès-verbal pour avoir transgressé les statuts d’examen, dans le bureau même de Mme Binh et sont ensuite revenus à leur salle pour continuer leur examen. Interrogée sur la présence d’une personne inconnue dans le bureau en même temps que la présence des deux candidats, Mme Binh explique que ce n’est qu’une “rencontre fortuite”. C’est une personne de sa connaissance à Thai Binh qui est venue par hasard. Mais selon les enquêtes des journalistes de Tuôi Tre, cette dame en train de faire un échange avec les 2 candidats, est en fait Mme B.T.H., une enseignante d’anglais.

93,78% des candidats ont réussis au baccalauréat [18]

Selon les nouvelles de l’Office de l’examen et d’étalonnage de la qualité de l’éducation, le nombre des élèves de tout le pays qui ont réussi au baccalauréat est 862 932 sur 881 795 candidats, soit 93,78%. Ce pourcentage en 2005 est 90,62%. Cette année, celui de la province de Nam Dinh est le plus élevé : 99, 87%. Les provinces qui occupent une place parmi les premières sont des provinces du nord : Bac Ninh : 99,41%, Ha Tây : 99,32%. Thai Binh : 99,32%, Hai Phong : 99, 18% ; Ha Nam 90% tandis que les deux grandes villes de Hanoi et de Saigon occupe une place plus humble : Hanoi : 98,64% et Saigon : 96,04%. Soc Trang (au sud du Vietnam) possède le pourcentage le plus bas : 73,87%.

Quelques chiffres publiés dans le Journal « LAO DONG » (Travail) le 3 octobre 2007, manifeste un progrès « virtuel » du niveau culturel du pays: le nombre des étudiants en cette année 2007 s’élève à 1 540 201, c’est à-dire sur 10 000 habitants du pays, 181 ont pu continuer leurs études universitaires, un pourcentage très élevé par rapport aux autres pays ;  en Chine par exemple, il n’y a que 140 étudiants/10 000 habitants tandis que le pourcentage du monde est en moyenne 100 étudiants sur 10 000 habitants.  Il prévoit que d’ici à l’an 2020 il y aurait 600 universités, le double de la situation actuelle : chaque arrondissement dans tout le pays aura donc une université !  Cette année le gouvernement prévoit les dépenses pour l’éducation : 4000 millards de dongs vietnamiens (250 millions de dollars américains). Cependant, selon les spécialistes, il faudrait 4 fois plus : un milliard de dollards. C’est un investissement assez élevé pour l’éducation vietnamienne, mais selon les examens officiels sur 58 pays concernés, publiés dans ce même Journal, la qualité de la Formation au Vietnam  est classée au 53e rang. Et il n’y a que 37% d’étudiants  sortants qui trouvent du travail. Concrètement, en cette année 2007, 161 411 étudiants ont fini leurs études universitaires. Un petit calcul de 63% d’étudiants sortants qui ne trouvent pas de travail manifeste un gaspillage de cet investissement dans l’éducation : 161 411 étudiants x 63% x 4 500USD/étudiant = environ 4 millions 576 de dollars. Il est clair que le système éducatif vietnamien ne répond pas encore aux besoins du pays et que le peuple tourne autour de ce cercle vicieux : pauvreté et gaspillage. La Formation non appliquée dans la vie est à la fois un gaspillage d’argent, de santé et du temps.

Environ 70 surveillants font le rapport

Le Service de l’Éducation et de Formation de la province de My Tho donne l’ordre à l’équipe d’inspecteurs de mettre au clair le phénomène de « 536 candidats ont des copies pareilles » et affirme que c’est une grave transgression qui doit être réglée jusqu’à la racine sans aucune exception. Dans le cas où l’on découvre cette transgression très grave, il la transmettra au Service d’enquêtes pour la régler selon le loi. Il est clair que cette transgression a été préparée à l’avance parce que toutes les copies des candidats de 23 salles d’examen sont merveilleusement pareilles. C’est plus que sûr qu’il y a quelqu’un qui a introduit les documents du dehors....

C’est à cause de cela que 70 surveillants ont dû faire le rapport de la discipline pendant ces jours d’examen.

***

Depuis l’année dernière, les journaux ont relaté des phénomènes frappants dans les salles d’examen. Mais cette année, Il semble que cela augmente et qu’on ait inventé des transgressions beaucoup plus avancés. Dans l’ancien temps, on n’a pas pensé qu’on devait “acheter” pour devenir un élève excellent, ou pour obtenir une note extrêmement élevée à l’examen pour pouvoir entrer dans les écoles spécialisées ou dans des classes là où ne se groupent que de bons élèves !

Ce phénomène de “graisser la patte” pour entrer dans une telle école devient « quelque chose de très normal » et ce qui est plus étonnant encore en voyant des élèves de niveau moyen, sinon très faible, mais ont réussi au concours d’entrée dans les écoles dites “spécialisées”. Certains journaux ont publié plusieurs fois ce phénomène de « se tromper de classe », exprimant ce nombre d’élèves dont le niveau d’études est destiné à une classe inférieure.

Peut-être aucun d’entre nous n’est d’accord pour dire que la tricherie dans la salle d’examen est une bonne action. Cependant, on se demande pourquoi un grand nombre d’élèves considèrent cet acte comme normal ? Pourquoi les examens deviennent de jour en jour comme une farce où les sujets sont qualifiés bons, « dans le programme » et que les salles d’examen ressemblent à des marchés, qu’on cherche tous les moyens pour authentifier le « niveau artificiel » par des tricheries publiques. En tout cas, les élèves ne sont que des victimes. Quand la tricherie et le mensonge sont développés au cœur même de l’école, comment éviter qu’ils n’explosent dans la société ? Si l’école ne peut pas résoudre tous les dysfonctionnements sociaux, elle peut par contre préparer des hommes à les affronter ou à les éviter. Une école injuste ferait de fait des hommes peu préoccupés par le sentiment de justice.

Comment les autorités compétentes vont-elles juger cet “acte négatif” ou vont-elles passer outre ? Le slogan “dire non aux actes négatifs dans un examen” est publié partout, et cet incident est survenu au cœur même du Ministère de l’Éducation et à deux pas du bureau du Ministre. Quel paradoxe ! C’est peut-être une chose normale qui vaut la peine pourtant à nous faire réfléchir. À quoi cela nous fait-il penser ? C’est bien sûr que nombreuses sont les personnes du cadre prêtes à lutter contre les “actes négatifs dans l’examen” mais que pas mal d’autres aussi sont prêtes à “vivre ensemble avec le négatif”. Quand le mensonge et la tricherie dans la société sont considérés comme des choses normales, l’expression “parler sans réaliser” devient aussi une “chose normale” et insignifiante. Cet événement rappelle aux responsables que s’ils ne cherchent pas à résoudre radicalement et avec fermeté le “négatif” - c’est-à-dire à partir des personnes même du cadre - le slogan “dire non avec les actes négatifs dans l’examen” n’atteint pas son but.[19]

Que fait-on devant cette épidémie du « résultatisme » ainsi que de ces lacunes dans l’éducation ? Le délégué Nguyen Duc Dung (Kontum) a répliqué franchement : « Nous devons faire face aujourd’hui à la vérité, l’évaluer et chercher une solution efficace pour relever le système éducatif de notre pays », sans donner une mesure adéquate ou suggestions pour arrêter ou diminuer ou résoudre ce problème. M. Nguyen Thanh Tai, vice-président du Comité Populaire de Ho Chi Minh-ville a exposé ses mêmes opinions devant l’assemblée qui a eu lieu à Ho Chi Minh-ville le 26 juin 2007 : « Il faut oser faire face à la vérité pour se développer ».

Une durée de trente années suffit pour voir si l’on a réussi ou échoué à ce que les communistes appellent “fonder un paradis terrestre”.

4. Quelques suggestions

Égalité dans l’apprentissage

J’aborde d’abord le domaine des livres scolaires, ce qui est assez courant et pose un problème pour des parents de condition de vie moyenne. Envoyer l’enfant à l’école est déjà une grande difficulté pour les familles démunies. Chaque année il faut acheter de nouveaux livres scolaires, c’est un autre souci beaucoup plus grand. Même dans les pays développés, les élèves ont la possibilité de les emprunter sans qu’il soit obligatoire de les acheter, comme dans ce pays. Comment peut-on encourager les enfants des familles pauvres à fréquenter l’école? D’autre part, les livres scolaires ont été rénovés sans cesse. Dans une famille, les livres déjà utilisés par le grand ne peuvent pas être laissés à l’usage du petit. C’est considéré comme un gaspillage.

Ensuite, des contributions et des dépenses multiples aggravent le fardeau des parents à chaque entrée de la nouvelle année scolaire : uniforme, articles scolaires… D’ailleurs, des cotisations obligatoires comme pour la construction d’une salle de classe ou pour équiper une salle d’informatique ou un laboratoire sont considérées comme les devoirs des parents. En principe, les classes du primaire sont gratuites. Cependant, de telles contributions sont répétées et inventées de la rentrée à la fin de l’année scolaire. En fin de compte, les parents doivent payer mensuellement une somme d’argent plus élevée que les frais de scolarité proprement dits.

Le recrutement des élèves au début de l’année parait encore moins optimiste. D’abord, pour ceux qui désirent s’inscrire dans une école publique, leur nom devrait figurer dans le livret de famille de leur quartier. Depuis quelques années, les parents ayant une vie aisée envoient leurs enfants à Saigon pour continuer les études primaires ou secondaires. L’ensemble des dépenses se monte facilement à cent dollars par mois. Trouver une école de bonne qualité est vraiment un défi pour ceux qui viennent des provinces, même parmi les écoles semi-publiques. Cependant, avec l’“Oncle HO”[20] des problèmes difficiles seront résolus efficacement, toutes les portes seront ouvertes. Et c’est très courant au Viet Nam, dans plusieurs domaines, si l’on désire voir son rêve réalisé.

On ne peut obtenir et on ne demande pas la justice parfaite. Mais comment les pauvres pourraient-ils accéder aux études alors que les autorités compétentes font obligation aux parents d’amener leurs enfants à l’âge scolaire à l’école, surtout ceux qui vivent retirés dans les villages lointains ?

Ne pas tolérer la tricherie dans les écoles

Tolérer la tricherie, la malhonnêteté dans les écoles, amènera à des conséquences catastrophique. Elles occupent une place très importante dans la société et dans les écoles. Avec le temps et surtout avec l’acceptation des autres, on n’aperçoit pas cette perversion et on ne ressent plus aucun remords après coup. Surtout on les considère comme une victoire quand on banalise une des valeurs humaines ou des transgressions de la loi. Des élèves trichent aux examens ; des maîtres, des personnes du cadre de l’éducation présentent de faux rapports ; la cupidité se répand largement dans la société. Un pot de vin arrange tout. Comme nos ancêtres l’ont dit : avec l’argent, on peut même acheter des fées ! Comment l’éducation peut-elle donner de bons résultats dans une telle situation ? Une ancienne enseignante, d’avant 1975, est revenu au Viet Nam après une longue absence et a été invitée à observer la discipline d’une classe pendant l’examen. Elle a exprimé sa surprise en voyant la tricherie ouverte sans aucune intervention de la part des surveillants. La banalisation des valeurs humaines, le concept « rien n’est important, tout est normal » de la part des enseignants aggravent cette observation « l’échelle des valeurs est renversée. L’argent est primordial. Les valeurs humaines, dépassées ». [21]

Un concours d’entrée organisé par 125 écoles supérieures de tout le pays a eu lieu du 14 à 16 juillet de cette année 2007. En regardant son résultat et celui du dernier concours à l’Université, les gens ont poussé un soupir de soulagement par « son échelle d’organisation sérieuse et la qualité des sujets »[22] . La sanction sévère de la transgression de 392 étudiants et de 64 surveillants[23] montre que la branche de l’enseignement a résolu à extirper la tricherie jusqu’à la racine bien que ce nombre n’égale qu’à un tiers de celui de l’an dernier. Mais malgré tout, celui de 392 étudiants et de 64 surveillants qui ne respectent pas encore les statuts dans la salle d’examen doit nous faire réfléchir à leur sens du devoir, de la responsabilité et aussi de l’honnêteté.

Ainsi, une des conditions nécessaires pour rétablir la justice sociale, construire un pays riche et civilisé, est d’éliminer jusqu’à la racine la tricherie et les habitudes d’exiger implicitement un pot de vin. Pour l’avenir du pays, l’école doit bien éduquer l’honnêteté aux enfants. Sans l’honnêteté, on perd tout. Comment un adulte peut-il vivre honnêtement quand il a acquis un pli de tricherie dès son enfance ?

La réponse de 578 sur 620 étudiants et élèves du secondaire enquêtés[24] au mois de septembre 2007 sur la tricherie illustre bien cette situation dans l’école qui est considérée pour la plupart comme une chose normale. De même, un grand nombre d’étudants s’étonne du contenu de ce test  en disant : « Nous avons entendu en parler rarement à l’école », ce qui montre une négligence grave de l’éducation sur l’honnêteté  dans les établissement scolaires. A la question « brûler le feu rouge ? », il y a 365/578 réponses positives, et 365/578 réponses à celle de « aller à sens inverse ». Et ainsi de suite. Cependant, la réponse à la question 11 « dirais-tu de ce pourcentage (de la tricherie) qu’il est » est plus frappante :  peu important, 49 oui ; semblable à celui des autres établissements, 163 oui ; important, 197 oui ; trop important, 93 oui. Il n’y a que 34% (197/578 oui) des étudiants qui perçoivent l’importance de la tricherie, pour ne pas dire qu’il n’y a que 16% (93/578 oui) qui affirme son extrême importance. Pendant ces jours-ci, tout le Vietnam est bouleversé par l’effondrement du pont de Can Tho (sud-Vietnam) en construction : 52 morts et 86 blessés. Les enquêtes ne sont pas encore finies pour pouvoir inculper le (ou les) coupable. Mais en fin de compte, ce sera toujours la malhonnêteté (ou la tricherie) considérée comme « normale » dans la construction qui compte.

Bien s’occuper des enseignants

Devant cette situation de l’éducation, les autorités compétentes, dirait-on,  jouent un rôle important pour l’améliorer et vaincre l’inertie. Je pense aux statuts des enseignants. Pourquoi ? Parce que la qualité décisive de l’éducation dépend finalement du corps professoral. Il est inutile de parler de la rénovation de l’éducation si l’on laisse de côté la compétence des enseignants, des professeurs consciencieux. Mais, pour exiger d’eux de travailler consciencieusement, pour les stimuler à se consacrer tout entier et dynamiquement à leur métier de former des hommes, à avoir un esprit créatif dans l’enseignement, la rénovation la plus urgente appartient aux autorités compétentes. Dans n’importe quelle compagnie, petite ou grande, les statuts du fonctionnaire concernant le salaire, les “récompenses” restent habituellement estimés. « Se sentir mal payé, se sentir moins payé que celui à qui l’on se compare, induit des conséquences plus importantes sur les identités que le simple constat de manquer de l’argent ».[25]

La plupart des “corruptions” dans l’éducation y prennent racine. Le bas salaire actuellement reçu chaque mois ne peut pas suffire aux besoins essentiels de la famille. Les enseignants sont donc obligés de chercher de l’argent ailleurs : les cours particuliers ! La vie devient plus aisée. Le budget familial s’agrandit parce que ceux qui se donne la peine de travailler un peu plus reçoivent le quadruple en comparaison du salaire officiel. Surviennent parallèlement les comportements “négatifs” de la part des enseignants : négliger leurs devoirs d’enseignement, perdre leur esprit créatif et de dévouement, rester indifférents à la compréhension des élèves en classe, chercher implicitement à obliger les enfants à suivre des cours particuliers donnés par eux-mêmes. Ce phénomène se répand rapidement au second cycle puis au premier et ainsi de suite depuis plusieurs années. Aujourd’hui, même un grand nombre des enfants des classes maternelles rejoignent aussi aux cours particuliers ! Pour les élèves du primaire et des classes maternelles, les enseignants exercent ce travail supplémentaire à domicile, ce qui est devenu comme une vogue.

Comme le traitement apporté par ces cours dépasse énormément le salaire officiel, cet appât séduit un grand nombre d’enseignants sans qu’ils puissent y résister. Alors certains enseignants compétents circulent d’un endroit à un autre rien que pour donner des cours particuliers. Ils plaisantent en disant : “Je prie pour qu’il y ait plus d’heures dans une journée”. La richesse leur sourit et ce, après un laps de temps très court.

De plus, dans un certain point de vue, la relation parents-enseignants est très cohérente. Grâce à cela, les parents peuvent suivre de près le progrès de leurs enfants. Ils prennent de plus en plus conscience de leur collaboration nécessaire dans l’éducation de leurs enfants en gardant un contact permanent avec l’école et surtout avec leur enseignant titulaire. Les réunions des parents au début et à la fin de l’année exigent leur présence. Au cours de l’année, ils ne refusent pas les convocations du professeur. Ce qui n’est pas encourageant, c’est qu’à chaque convocation les parents leur glissent toujours une “enveloppe”. Parfois, la raison pour envoyer une convocation est très simple, son contenu n’a aucune importance. Mais les parents n’osent pas la manquer même s’ils habitent très loin, dans les provinces.

Aujourd’hui, grâce à la condition de vie plus améliorée dans les provinces, certains parents envoient leurs enfants aux grandes villes pour continuer leurs études. Il y a donc en plus des déplacements habituels des populations agraires vers les centres urbains ; un déplacement des étudiants et des élèves vers des établissements urbains. Ils ont donc besoin d’endroits pour se loger. Des chambres à louer, des pensionnats ont vu le jour. Les communautés des Frères participent aussi à ce mouvement en recevant un certain nombre de jeunes en vue de les accompagner dans le domaine humain et spirituel, pour les catholiques. Ma communauté par exemple s’arrange pour recevoir une soixantaine d’internes de sixième à la terminale. En réalité, c’est une occasion  offerte aux Frères, dans cette situation difficile, pour tenter de s’intégrer dans le domaine de l’éducation et aussi pour gagner leur vie. Les Frères assument la responsabilité du suivi des études de leurs internes, ils restent en relation avec les maîtres de l’école que fréquentent ces enfants. Certains professeurs maintiennent toujours une bonne communication avec eux. Quelques autres ne daignent pas les informer de quoi que ce soit mais téléphonent directement aux parents, parce que les Frères ne visent que la formation et le progrès des enfants.

Parallèlement à ce côté “négatif”, certains enseignants  admirables ne refusent jamais de consacrer leur temps libre pour aider gratuitement des élèves à la fois lents et pauvres, à atteindre le niveau de leurs camarades, pour leur offrir “des moyens pour s’avancer” selon Antoine de la Garanderie. Ils ne leur demandent aucune rétribution de retour. Quelques-uns s’offrent au service des enfants démunis, des enfants de la rue, des enfants atteints du Sida en quittant parfois leur milieu familial et leur village natal pour venir sur les hauts-plateaux ou dans les villages retirés, loin de toutes commodités de la civilisation moderne. Mais, il y a toujours là un prix à payer pour ceux qui osent se lancer dans ce domaine très pénible et parfois ingrat même. Qu’est-ce qu’ils recevront en retour ? Le sourire des pauvres est leur récompense.


 

En fin de compte, il ne faut pas se plaindre seulement de la mauvaise volonté des enseignants : les besoins vitaux les ont poussés dans cette voie malgré eux. La faute ne provient pas d’eux complètement. « Le travail constitue une valeur marchande, qui assigne une place aux acteurs dans les liens symboliques »[26]. Quel spectacle navrant en apprenant que, pour arrondir le budget familial, chercher de quoi nourrir ses enfants ou pour leur acheter des articles scolaires ou pour payer leur scolarité, un professeur, en dehors des heures de classe, doit aller vendre des billets de loterie, s’asseoir au ras du sol le long du trottoir pour vendre quelques bottes de liserons d’eau, conduire le cyclo-pousse ou la moto à la demande des clients jusqu’à minuit ! Ceux-là désirent gagner au moins leur vie « honnêtement ».

Mais, il semble que des autorités compétentes n’assurent pas suffisamment les conditions minimales de vie envers leurs collaborateurs et collaboratrices. La préoccupation du boire et du manger, de tous les frais à payer au début du mois, règne en permanence chez les responsables de famille. Comment peuvent-ils mettre tout leur esprit, leurs énergies et leur force dans leur travail dont le salaire ne peut pas les couvrir. Le prix à payer pour cette lacune est donc très élevé. L’État et le peuple doivent dépenser une grosse somme d’argent pour faire fonctionner le système d’éducation mais cela ne crée qu’un enseignement et un apprentissage non adaptés dont les conséquences mènent à une éducation aliénée, dégradée : on forme une équipe d’enseignants corrompus qui laissent des traces qui influenceront profondément l’avenir du pays. La belle image d’un éducateur, depuis longtemps imprimée dans l’esprit des gens, se ternit de jour en jour. L’école se transforme en un milieu de commerce ne visant que le bénéfice.

En réalité, le salaire d’un nombre d’enseignants d’aujourd’hui suffirait pour une vie moyenne. Donner des cours particuliers n’est plus un besoin urgent pour bien vivre. Mais, cette nouvelle structure n’encourage pas encore les enseignants à être conscients de leur responsabilité d’éducateur, à accomplir leur devoir d’une manière plus efficace, plus créative et consciencieuse qu’auparavant pendant les heures de classes officielles. Ce phénomène de donner des cours particuliers existe déjà depuis des années et devient un pli ineffaçable. Il n’est donc pas facile à extirper, même chez ceux qui ont trouvé une vie suffisamment aisée. Mais, quoiqu’il en soit, l’urgence reste toujours le besoin de réexaminer les statuts du revenu et la manière d’engager des enseignants compétents et consciencieux de manière qu’ils ne se préoccupent plus continuellement de leurs besoins vitaux. Ainsi, ils se donneront de la peine pour remplir leurs devoirs en suscitant leur esprit créatif pour renouveler toujours leurs méthodes conformes à l’évolution mondiale parce que « le salaire “indique” donc, par l’intermédiaire du contrat, les valeurs que les autres nous accordent »[27] et que pour eux « le travail, source de valorisation des personnes, est aussi facteur d’identité et de différentiation avec autrui »[28]. Ainsi, tout l’apprentissage se poursuit suffisamment pendant les heures de classe officielles. Les enseignants n’ont plus besoin de donner des cours particuliers pour compléter ce qui n’est pas encore, volontairement ou involontairement, enseigné. Les élèves ne surpayent plus des frais de scolarité qui surchargent le fardeau déjà alourdi des familles pauvres.

Il est vrai que l’exigence de la compétence des enseignants est correcte surtout quand le pays est en train de faire face à l’intégration mondiale. Mais pendant que la société ne s’occupe pas sérieusement de ceux-ci : vie suffisante, conditions de travail adéquates, elle vise pourtant un but très élevé à atteindre de la part des enseignants. Cependant, en examinant seulement le côté du revenu, les enseignants appartiennent à une catégorie la plus basse de la société. Ainsi, parallèlement à l’exigence de leur compétence, le gouvernement et la société doivent réfléchir et assurer celle de leur question vitale.

La suppression des cours particuliers est-elle possible ?

Rénover le programme de l’enseignement et des examens est le projet prioritaire qu’a réalisé le Ministre de l’Éducation thaïlandaise, Adisai Bodharamik, trois mois après la passation des pouvoirs en 2003. Il a été soutenu et accueilli avec joie par les parents et élèves dans tout le pays. M. Adisai a systématiquement défendu de donner et de suivre des cours particuliers parce que selon lui, “c’est une perte de temps et qui aggrave le stress chez les élèves”.

À la 3e session du XIe Congrès national au mois de mai 2004, plusieurs délégués ont interpellé le Ministre de l’Éducation et de Formation NGUYEN MINH HIEN sur le problème des “cours particuliers” très répandus du primaire au secondaire. Selon le Ministre, dans le rapport du présent Congrès concernant les résultats de réalisations des “promesses” des Ministères et des Services, le Ministère de l’Éducation a à peine mis en exécution certaines activités pour surmonter ce phénomène et il a promis de “faire une étude profonde sur les opinions des délégués pour trouver une solution possible afin de rectifier radicalement cette situation négative de donner et de suivre des cours particuliers”.

Cinq mois après, à la 4e session, le Ministre de l’Éducation a fait face à la même interpellation : “Quand cessera le phénomène des cours particuliers ?”, ce qui exprime que sa promesse antérieure n’était qu’une promesse ! Mais cette fois-ci, le Ministre ne promet plus et répète lentement la réponse qu’il a donnée à toute l’Assemblée : “C’est pour nous très difficile. Nous n’osons pas donner une réponse quand sera arrêté le phénomène des cours particuliers”. La réponse a fait sursauter presque 500 délégués dans la salle de réunion et désespérer des millions de personnes de tout le pays regardant l’émission directe à la télévision.

Le Ministre n’ose pas donner la réponse. Qui l’osera ? Tout de suite après cet événement, c’est toujours notre Ministre qui reconnaît cette réalité : “Il est des cas où les enseignants forcent les enfants à suivre des cours particuliers pour recueillir de l’argent. Il existe aussi des enseignants qui, volontairement, ne finissent pas le programme pour le compléter ensuite en cours particuliers, qui donne des devoirs afin que seuls les élèves présents à ses cours particuliers, puissent bien les résoudre et ainsi obtenir une bonne note.”

Un événement assez frappant est répandu cette année concernant le concours d’entrée au niveau 10 en 2006-2007 (classe de seconde) de l’ « école exclusive »[29] Nguyen Du à Dak-lak sur les Hauts-plateaux. Le Service de la Formation et de l’Éducation de Dak-lak a annulé les 400 copies de Chimie avec pour raison que ces élèves avaient obtenu une très mauvaise note parce que le sujet était très difficile et que les enseignants de cette école avaient présenté cette demande. Et pourtant il y a deux élèves qui ont obtenu une très bonne note, ce qui a suscité des troubles chez les parents. Après des rapides enquêtes, ils ont découvert que ces enfants avaient suivi des cours particuliers donnés par M. Nguyen Tri qui est membre du comité qui prépare les sujets des épreuves écrites. 

Pareillement, l’université industrielle a organisé le concours d’entrée à l’école supérieure le 25 juillet 2006. Mais à la veille de ce jour J, le 24 juillet, 3 étudiants de cette université se sont rendus au bureau du Journal THANH NIEN (La Jeunesse) présentant la solution du sujet de l’examen du lendemain. C’est, M. Thien qui a lancé ce message : « “ceux qui désire refaire leur devoir, viennent payer 3 USD (50 000 VN dong) pour recevoir la juste solution et la recopier dans leur feuille d’examen”. Cette année-là ceux qui ont payé 3 USD, ont obtenu la moyenne. Et la note a varié en fonction de la quantité d’argent payé »[30].

À Ha noi comme à Ho Chi Minh-ville, plusieurs classes des cours particuliers atteignent un nombre de 300-400 élèves, installés dans des conditions très mauvaises. Le Ministre de l’Éducation en a informé publiquement l’Assemblée générale, mais en fin de compte, a donné paisiblement son opinion : “C’est un problème très difficile”.

***

Le fait de 64 surveillants transgressant le statut de l’examen nous manifeste la faiblesse et le besoin de relever la qualité du contingent d’enseignants pour le développment  du pays dans cette situation actuelle. L’enseignement est un métier et selon Durkheim un des 3 métiers les plus difficiles. Le problème n’est pas facile à résoudre. Il nécessite une étude sérieuse pour reconnaitre ces lacunes, surtout dans la formation des enseignants. Au 10e Congrès du 25 novembre 2006, le Ministre de l’Education Nguyen Thien Nhan a soulevé devant  l’Assemblée générale ces 9 points les plus « chauds » concernant l’éducation d’aujourd’hui, ce qui a fait susciter un sentiment à la fois anxieux et pressant  des participants. Ce sont des maladies : « résultatisme » et actes « négatifs » (ou tricherie) dans les examens, utilisation très répandue de faux diplômes, renouveau du programme général de l’éducation et changement du manuel scolaire, manière de rédiger et de diffuser le manuel scolaire, de fournir l’équipement d’enseignement, envergure et qualité  de formation et, recherche du travail pour les étudiants. En réalité, plusieurs décisions de la part des responsables ont été prises. Mais la situation négative ne s’améliore pas beaucoup, par exemple, la décision de finir le phénomène de « se tromper de classe » [31] , de donner des cours particuliers d’une manière « négative »... Les cas « négatifs » publiés dans les journaux concernant les enseignants pendant ces proches années influencent  peu ou prou la qualité de former l’homme et manifestent plus ou moins la dégradation de la morale des personnes du cadre. Pendant un forum à l’Assemblée générale, le Ministre de l’Education a donné franchement ses opinions : Un petit nombre ( ?) d’enseignants n’a pas conscience de leur responsabilité, ne donne pas le bon exemple, transgresse l’interdit de la morale, du style de vie et des normes de l’éducateur[32].  La question fondamentale pour la rénovation dans l’éducation dépendant de plusieurs facteurs évidemment, commence pourtant par sa source : une formation sérieuse, un relèvement de la morale de l’équipe des éducateurs. Ainsi, le ministère de l’éducation prévoit d’établir le code de l’enseignant visant surtout les normes professionnelles et morales en prescrivant plus clairement droits, devoirs, responsabilités de l’éducateur. Nous espérons qu’avec ce code officiel, l’enseignant sera mieux conscient de leurs responsabilités de formation professionnelles et du syle de vie conformément aux normes d’un éducateur.

 

[1] Emile DURKHEIM, Education et Sociologie, QUADRIGE/PUF, 9e édition, Paris, 2005, p.51.

[2] Idem., p. 52

[3] Raymond BOUDON, dictionnaire de Sociologie, Larousse, 2003, p.77.

[4] Un mouvement de suivre des cours particuliers est très répandu et devient une mode dans le monde de l’éducation au Vietnam. Tous les élèves s’inscrivent aux cours particuliers donnés par leur professeur. Et, qui pis est, ce sont ceux-là seulement qui obtiennent une bonne note. C’est pourquoi, bon gré mal gré, les parents cherchent tous les moyens financiers pour satisfaire leurs enfants en les envoyant aux cours particuliers. Même les élèves bons et intelligents qui n’en sentent jamais le besoin s’y inscrivent par crainte d’obtenir une mauvaise note.

[5] NGUYEN KHOI, Journal GIAO DUC. N° spécial paru aux vacances 2004.

[6] THANH HA,  Journal TUOI TRE, 22 novembre 2004.

[7] Philippe MEIRIEU,  Apprendre…oui, mais comment ?, Paris, ESF Editeur, 1995, p. 54.

[8] Idem., p.37

[9] Philippe MEIRIEU,  Apprendre…oui, mais comment ?, Paris, ESF Editeur, 1995, p. 35.

[10] Bernard GORCE, Violence ordinaire dans le secondaire, La Croix, Paris, 22 mars 2005.

[11] Idem.

[12] Voir aussi www.nguoiviet.com., 13 mai 2004

[13] Idem.

[14] QUOC THANH, Tuoi Tre Chua Nhat, p. 4 et suiv.

[15] En vietnamien : Thu tuc dâu tien = tien dau ? signifie : où est l’argent ?

[16] Idem, No 177, le 26 juin 2006

[17] Voir Journal THANH NIEN (La Jeunesse), No 247, le 4 septembre 2006 .

[18] Voir aussi Journal THANH NIEN (la Jeunesse), vendredi 23 juin 2006

[19] Voir aussi Journal TUOI TRE, No 240, le samedi 19 juin 2006.

[20] “Oncle HO” signifie monnaie vietnamienne parce que l’image de Ho Chi Minh est imprimée sur tous les billets de DONG. D’où cette expression.

[21] Annexes, page 10, ligne 293.

[22] Journal “Giao Duc” (l’Education), 16 juillet 2007.

[23] Idem.

[24] Annexes, p. 74-79

[25] Patrick TAPERNOUX, Transversalités, De l’ISP, Janvier-mars 2004, p. 23.

[26] Idem..

[27] Idem.

[28] Idem.

[29] “Ecole exclusive” , école où fréquentent  les meilleurs élèves.

[30] Voir aussi Journal THANH NIEN (la Jeunesse) No 207, mercredi 26 juillet 2006.

[31] L’expression « se tromper de classe » signifie le phénomène des élèves dans une telle classe sans avoir le niveau de connaissance suffisante.

[32] Voir aussi:  Journal “Giao duc” (l’Education), Mau chot de chan hung giao duc (Le point crucial pour rénover l’éducation), lundi 16 juillet 2007.