Chapitre IV :

Récolte éducative

Il est vrai que l’on récolte des fruits après dix ans de soins d’un arbre fruitier. Avec la technique moderne de greffage, cette durée se réduit à trois ou quatre ans. Mais l’éducation demande des générations et des générations pour pouvoir changer la mentalité, la manière de vie d’un homme.

Le Vietnam a vécu une longue période de guerre. La perte est incontournable. Mais la perte la plus grande reste toujours celle de l’éducation des qualités humaines que les responsables ont négligées ou dont ils ont fait fi. Si vous étiez vietnamien, vous sentiriez un déchirement du cœur en lisant cet article intitulé « maladie de tricherie » [1] paru dans l’hebdomadaire « Jeunesse du dimanche » il y a quelques années.

En se basant sur les nouvelles publiées dans les journaux ces jours-ci, on remarque que la maladie de tricherie se développe rapidement dans plusieurs et à maints niveaux, et pas seulement dans le domaine économique mais qu’elle est déjà répandue dans le domaine éducatif, culturel, social, même dans le domaine scientifique qui semble hautement être apprécié et vénéré surtout pour son impartialité : tricher pour piller des biens publics ; tricher aussi pour se tailler un vif succès ; tricher pour atteindre l’objectif prévu ; tricher pour intensifier son pouvoir ; tricher pour obtenir des fausses gloires. Malgré donc des développements scientifiques remarquables, il existe aussi de faux savants ! Plusieurs tricheries ont été détectées : budget national déficitaire non justifié même de celui qui est réservé pour effacer la faim et diminuer la pauvreté ; “grattage” de l’argent investi pour le développement des régions lointaines. La tricherie plus grave est de voler les matériaux de construction des rues, des autoroutes, des maisons et des bâtiments privés et publics, ce qui influe énormément sur la sécurité des utilisateurs et le vieillissement de la construction.

Ces manœuvres frauduleuses sont pourtant perfectionnées, accompagnées de faux rapports, des factures et pièces justificatives inventées. La procédure de contrôle est assez sévère. Cependant, on a passé avec succès toutes ces portes parce que les contrôleurs mènent un style de vie bureaucratique ou manquent de compétences ou de présence d’esprit. Mais n’éliminons pas non plus le cas où ils sont corrompus.

Plusieurs autres différentes tricheries, mensonges ont été et sont récemment publiés dans les journaux ces dernières années. S’ils étaient vrais, ce serait un risque pour l’avenir du pays et les autorités compétentes ne devraient pas négliger ce son de cloche d’alarme.

Surtout, nous, éducateurs, nous devons nous interroger pourquoi s’aggrave aujourd’hui la banalisation des qualités humaines, s’accélère la montée de la violence et de la transgression facile de la loi chez les jeunes et même chez les enfants. Il est vrai que nous sommes en face d’une délinquance de plus en plus jeune, et froide devant l’écoulement du sang, avec une violence de plus en plus fréquente. Un phénomène de rajeunissement des bandes, non seulement sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif, évolue. Ce phénomène qui était attribué à un certain quartier au centre des grandes villes, a maintenant tendance à se répandre dans les provinces retirées où les gens menaient une vie calme et laborieuse. L’aggravation des actes de délinquance va de pair avec des vols, des viols, des délits, des destructions de biens, de la drogue…

1- Des petites choses qui sonnent pourtant l’alarme

a) Fraude publique

Dès l’enfance, les parents et les premiers maîtres du primaire répètent sans cesse aux élèves des paroles, maximes, proverbes ou des écrits de nos prédécesseurs afin qu’ils puissent vivre en harmonie avec leurs contemporains. Pour leur apprendre à vivre honnêtement, à respecter les biens d’autrui, ce proverbe nous prévient : « À l’enfance, on vole un œuf, plus tard on volera un bœuf » (photo, p. 225).

Cependant, en circulant dans les rues de Saigon ou plutôt sur les autoroutes qui accèdent à l’entrée de Saigon, un spectacle frappe les yeux des passants : des marchands ambulants de crabes envahissent la route (Photo, p. 222). Un détail assez bizarre s’est produit uniformément chez tous ces vendeurs dans les différents milieux de Saigon. On n’en connaît pas la raison, mais peut-être, ces crabes sont-ils livrés par le même fournisseur. C’est que tous ces crabes sont mis dans des cuvettes et ont été soigneusement ligotés par un énorme faisceau de fil de plastique rouge. À quoi cela sert-il ? Il est facile de le comprendre. Un poids de soi-disant un kilogramme ne pèse plus qu’environ 900 grammes de quantité réelle. De même pour les « nems », plus d’une dizaine de couches de feuilles de bananes servent d’emballage pour tromper les yeux des gens !

Souvent, la qualité n’est pas celle clamée par les vendeurs : très bonne qualité, délicieuse,… Je me rappelle une petite histoire inoubliable. À un court arrêt de l’autocar sur la route de retour à Saigon, les vendeurs de fruits, de « nem » et de toutes sortes de produits locaux se sont empressés de venir inviter les voyageurs à en acheter pour faire cadeau à leur famille. En voyant de bonnes mangues, très bien arrangées dans une corbeille, dizaine par dizaine, je fus attiré à la fois par leur beauté et leur prix. Après avoir négocié le prix d’une dizaine, nous en sommes arrivés enfin à un commun accord. Le vendeur s’est assis à terre pour remettre ces mangues déjà marchandées dans un sac de plastique noir. Parce que j’étais resté toujours sur l’autocar, son « travail de transfert » était hors de mon champ de vision. Juste au départ de l’autocar, il a « fini son travail » et a couru en toute hâte après la voiture pour me passer le sac de mangues et à mon tour je lui ai payé la somme convenue. Sur la route, instinctivement, j’ai vérifié le sac et découvert que ce n’étaient pas les mêmes mangues marchandées dans la corbeille. Elles sont toutes pourries. Honteux, j’ai dû les jeter l’une après l’autre, à l’insu des voisins.

 C’est vrai que les acheteurs sont des passagers qui ne reviendront peut-être pas une deuxième fois à cet endroit pour acheter ces marchandises. Mais cet acte révèle une malhonnêteté, une fraude publique jugée sans conséquence par des consciences déjà endurcies. Comment ces personnes peuvent-elles éduquer leurs enfants à l’honnêteté alors qu’elles vivent continuellement dans la tromperie ?

b) Et on a volé… un million de bœufs : Malhonnêteté dans la construction [2]

La police de Hanoi (Nord-Vietnam) a découvert pour la première fois, la nuit du 2 mars 2005, un « soutirage » des matériaux dans le champ de construction d’un building A2 de 12 étages (photo, p. 223,224).

Après plusieurs jours de surveillance continue, à 21 heures du 2 mars 2005, la police a pris sur le fait M. Hoàng Thành Uyên, né en 1958, en train de diriger un groupe d’ouvriers remplissant des pieux de béton ne répondant pas à l’exigence du projet technique et ce, à la demande de l’investisseur. M. Uyên est le chef de l’équipe 8 de la Compagnie de construction No 1, membre de la Compagnie Générale d’Importation et d’Exportation de Construction VINACONEZ.

Selon le projet technique, les fondations du bâtiment A2 sont établies en application de la théorie du béton armé à deux catégories de cages de diamètres d’un mètre et de 0,8 mètre. La profondeur de chaque fosse atteint jusqu’à 43 mètres. L’équipe de l’exécution des travaux doit descendre une pile de quatre cages maillées en fil d’acier de diamètre de 10 mm à 22 mm. Les fils d’acier de la cage supérieure sont plus épais et plus denses que celle de l’inférieure. Chaque cage doit être complétée de tubes d’acier de 0,50 m de diamètre pour servir de contrôle par ultrasons plus tard. Le matin du 3 mars 2005, en présence de M. Tran Dinh Loc, de M. Q. Thanh Xuan, vice-président du projet, des représentants du Service de la construction, de l’équipe de l’exécution du projet, et de nombreux journalistes, la police a exigé de l’équipe d’exécution du projet de retirer les cages dans les deux fosses No 64 et 86. Résultat inattendu : les ouvriers n’ont pu monter que deux cages de 11,75 m et de 9,90 m, soit 21,65 m au lieu de 43 mètres comme le projet technique l’exigeait. C’est-à-dire que plus de 20 mètres de béton n’était pas armé ! Et ce fut la même découverte pour la fosse n°86 !

Il est ainsi étonnant qu’une grande compagnie telle que Vinacomex ait osé poser des fondations peu solides pour une telle construction. Hoang Thanh Uyên, responsable de l’équipe de l’exécution, révèle quelques détails importants : Le projet de construction A2 se compose de 132 appartements. Sa compagnie a pris part à une adjudication de travaux publics pour un prix total de 3 millions de dollars américains. Les fondations comprennent 135 pieux en béton armé. Hoang Thanh Uyên a ordonné à ses ouvriers de ne mettre que 2 cages au lieu de quatre dans chaque fosse. Chaque cage d’acier pèse 500 kg en moyenne. Hoang Thanh Uyên a réduit deux cages, soit un tonne d’acier pour chaque fosse.

c) Observations dans les rues

Tous les étrangers venus au Vietnam que je connais se plaignent du désordre dans les rues. Ce qui frappe le plus leurs yeux, c’est qu’ils ne voient que des vélomoteurs circulant en tous sens (Photo, p. 226).

Au carrefour, quand les policiers n’y sont pas présents, brûler les feux rouges est considéré comme un acte héroïque, réalisant ce que les autres « n’osent pas » faire. Il faut alors comprendre que la manifestation individualiste du courage s’effectue par la transgression des lois collectives. On saisit combien l’idée de bien commun est fragile dans un pays dont la propagande ne cesse de fustiger l’individualisme.

Rouler en sens inverse est une transgression de toutes les minutes.

Sur l’autoroute, on se joue de la mort en roulant en vélomoteur sur la piste réservée aux automobiles (photo, p. 227).

Ces moyens de transports gênent la circulation en stationnant n’importe où.

Accélérer la vitesse pour dépasser ou pour tourner à droite et même à gauche sans faire aucun signal est une chose normale (photo, p. 228).

Le sens de discipline n’a pas encore imprégné l’esprit des vietnamiens. On n’observe le code de la route qu’en présence de la police.

[3]À partir du mois d’octobre 2004, le Service des transports et communications appartenant au Bureau de la Préfecture de Hochiminh-ville a officiellement mis en œuvre l’enregistrement en images des transgressions du code de la route. Après 6 mois d’essai, du 10 septembre 2004 au 8 mars 2005, le centre de direction des transports et communications a constaté 61 928 cas de transgressions ! La police de circulation a provisoirement confisqué 2 000 engins de circulation, troué 50 permis de conduire[4]. Après tout, on n’a rien réprimé d’autres que ces infractions : circuler en sens inverse, négliger des panneaux de signalisation, transporter des personnes dépassant la limite du nombre prescrit. Mais selon le rapport de Comité responsable de la sécurité de la circulation, les accidents dans les 2 premiers mois de l’an 2005 ont tendance à augmenter. Dans la seule ville de Hochiminh, 268 cas ont causé la mort de 190 personnes et blessé 269 victimes. Il y a en moyenne 3 morts accidentels par jour. Selon l’analyse des spécialistes, les causes de ces accidents restent toujours les mêmes : non respect du sens unique des rues ou de la piste prescrite, changement subit de direction sans faire aucun signe… La plupart des accidents mettent en cause des conducteurs de vélomoteurs (186 cas, 131 morts), des poids lourds (41 cas, 41 morts). Il est un peu étrange que des piétons puissent être aussi des auteurs d’accidents (16 cas, 10 morts).

D’une part, il semble que l’estimationn de la vie d’autrui de la part des vietnamiens ne vaut rien du tout. Des courses des vélomoteurs à haute vitesse, conduits par de très jeunes gens, se poursuivent par ci par là à l’insu de la police. Une condition suffisante et nécessaire pour participer à ces courses est de détacher les freins ! D’autre part, il suffit de quelques mots blessants pour provoquer une dispute, une mort. Un drame, survenu la nuit du 5 mars 2005 à l’arrondissement de Cu Chi, Ho chi Minh-ville, a rendu les voisins stupéfaits et amèrement souffrants parce que le meurtrier et le victime étaient encore très jeunes.

M. HUYNH TAN TAI, né en 1989, raconte : Vers 20 heures 30 de la nuit du 5 mars, HUYNH TAN TAI et NGUYEN VAN AI (né en 1988) accompagnés de 6 autres copains du même quartier vont à la kermesse et, sur la route, rencontrent 2 jeunes gens qu’ils ne connaissaient pas, leur confiant ce message menaçant : « Vous allez dire à DIEN, ami de AI, de venir demain dans le champ pour se battre deux à deux avec CHIEN ». En entendant cela, toute la bande de AI se rendit à la boutique des jeux de course de chevaux où CHIEN, né en 1988, était présent. À l’entrée de la boutique, en voyant CHIEN se tenir debout à l’intérieur, AI hurla à haute voix pour exhiber sa puissance : « Si tu oses le répéter encore une fois !... ». Sans attendre la réponse de CHIEN, AI s’enfonça vers CHIEN en lui donnant des coups de poings en rafale. Subitement, CHIEN sortit un couteau d’environ 15 cm et poignarda AI directement à son flanc gauche, ce qui l’élimina du combat en une minute. En voyant que CHIEN était armé, TAI vint secourir AI. Mais TAI n’eut qu’à recevoir ensuite un coup de couteau au même flanc gauche. Ce fut alors le tour des amis de TAI d’entrer dans le combat. Ils barraient l’attaque de CHIEN en vue d’ouvrir le chemin à TAI et AI pour s’en aller et à leur tour,… ils s’enfuirent pareillement. Les voisins transportèrent AI à l’hôpital, mais gravement blessé, AI rendit son dernier souffle vers 22 heures de la nuit du 5 mars. Tandis que CHIEN, après le meurtre, se rendit chez lui, ôta son couteau soigneusement et alla se coucher comme si rien n’était arrivé !

En effet, le jour précédant le meurtre, CHIEN avait vu AI et TAI qui battaient DAT son ami. CHIEN est intervenu et DIEN, ami de AI, lui a donné un coup de poing assez fort. C’est à cause de cela que la rancune naquit en CHIEN et qu’il chercha un moment propice pour se venger. Ce cas de meurtre ne laisse pas seulement des douleurs, des pertes pour toutes les deux familles, mais c’est une occasion offerte aux éducateurs, aux responsables de réexaminer leurs responsabilités dans l’éducation pour pouvoir en prévenir les mauvaises conséquences.

d) L’autobus, la voiture du « roi » [5]

Depuis longtemps les gens de Saigon ont oublié de choisir le bus pour se déplacer, bien que le prix du billet reste très bas. Le moyen de transport commun y est le vélomoteur. Rien de comparable avec cette organisation en France. Ce qui embête les passagers le plus, c’est que le bus ne respecte pas l’heure de départ et d’arrivée. Le Service de transport a fait la rénovation plusieurs fois et il faut reconnaître qu’il y a eu beaucoup de progrès dans ce domaine. Aujourd’hui, le nombre d’autobus augmente. Mais d’autres problèmes surviennent. Les accidents causés par les bus augmentent aussi. Certains chauffeurs sont prêts à rivaliser de vitesse avec les autres voitures sur l’autoroute, s’arracher des voyageurs, en dépit de l’exaspération des passagers dans l’autobus. Et encore, il est arrivé qu’après avoir causé un accident, chauffeur et aides chauffeurs aient brutalisé les victimes. De telles choses sont arrivées en plein centre de Ho Chi Minh-ville (photo, p. 229).

Vers 15 heures de l’après-midi du 8 octobre 2004, sur la rue Nguyen thi Minh Khai du 1er arrondissement, deux autobus circulaient dans le même sens de la rue Dinh Tien Hoang vers Cach mang thang 8, le bus bleu A portant le No 53N-3857 ayant suivi de celui du B rouge portant le No 53N 3385. À plusieurs reprises, le chauffeur du bleu A s’est arrêté pour la descente et la montée des passagers hors des stations prescrites et n’a pas volontairement cédé le dépassement au bus B. Au carrefour des rues Nguyen thi Minh Khai et Pasteur, le chauffeur du B rouge a accéléré la vitesse, envahi la piste inverse pour dépasser le bus A bleu, sans se soucier de la vie des conducteurs des vélomoteurs et bicyclettes. Plusieurs passants, affolés, ont dû s’élancer sur le trottoir pour éviter l’accident possible.

Des millions d’habitants de la ville de Saigon s’indignent de la mésestime de la vie de la part de ces milliers de chauffeurs d’autobus irresponsables. Sur la rue Quang Trung à Go vap, Ho Chi Minh-ville, par exemple, les bus de cette ligne roulent avec une vitesse habituellement élevée, en klaxonnant bruyamment et continuellement, en envahissant la piste opposée d’une manière effrénée en vacillant d’une piste à l’autre négligemment, en s’arrêtant n’importe où pour la montée et descente des passagers, en dépit du code de la route et de la vie des autres.

Il en est de même des autobus de la ligne No 1 (du marché Saigon au marché de Binh Tay-Cholon) bien qu’ils aient très bonne réputation et soient considérés comme modèles de tous les bus des autres lignes. Sur cette ligne, est réservée une piste spéciale pour la circulation des bus. Le 13 octobre 2004, le journaliste a pris le bus de cette ligne pour enrichir son reportage. Alors, il a remarqué que, sur toute cette ligne, le chauffeur a au moins 5 fois transgressé le code de la route en envahissant la piste réservée aux autos et vélomoteurs, et parfois la piste opposée, en roulant sur la piste réservée à l’autobus de l’autre côté de la rue. À plusieurs carrefours, les chauffeurs ont brûlé le feu rouge aisément.

Les comportements des chauffeurs en dépit de la loi sur la circulation ont laissé des conséquences douloureuses. Les victimes de l’accident sur la rue Hai Ba Trung, 1er arrondissement, en sont un exemple. Le chauffeur du bus No 53M-6662 est à la fois acteur de l’accident et de brutalité sur la victime. C’est aussi sur cette ligne qu’un autobus a cogné l’arrière d’un vélomoteur, ce qui a tué une élève. Le 2 octobre 2004, vers 17 heures 20, une jeune fille de 18 ans, pédalant devant l’autobus No 53N-3833 et dans le même sens, est morte écrasée.

Dans les deux années passées, au moins dix accidents mortels ont été causés par des autobus tandis que les heurts sont multiples selon le rapport du bureau de la police de circulation. Des transgressions qui crèvent les yeux ne sont pourtant pas sérieusement sanctionnées par la police. Aux carrefours, les chauffeurs envahissent les pistes réservées aux voitures et aux vélomoteurs dès que le feu vert s’allume, et continuent à y rouler, mais la police ferme toujours les yeux. Un policier voyant cet audace du chauffeur se plaint ainsi à ses voisins dans le bus : “il (le chauffeur) ne conduit pas la voiture dans la piste réservée mais envahit sans cesse la piste des vélomoteurs. C’est vraiment dangereux. J’ai voulu appeler plusieurs fois mes confrères pour l’arrêter ”. Le désordre de la circulation des vélomoteurs est une des raisons qui incite les chauffeurs des autobus à continuer d’effrayer les habitants de la ville de Saigon.

Cependant l’accident peut-être le plus catastrophique et effrayant est toujours celui du train survenu le 12 mars 2005 à 11 h 40 dans le territoire de la province de Thua Thien-Hue (centre du Vietnam). Le train a sauté hors du rail et s’est renversé au bord de la mer. L’accident a fait onze morts et plus d’une centaine de blessés dont 70 furent hospitalisés à l’hôpital de Da Nang[6].

Le Train E1 appartient au groupe du train direct de nord au sud du Vietnam. Vers 23 h du 11 mars 2005, le train E1 a quitté la gare de Ha-noi (nord du Vietnam) se composant de 13 voitures avec 522 tonnes de poids y compris 500 voyageurs et 23 personnes du personnel (photo, p. 233).

Les enquêtes des policiers ont été entamées. Mais selon M. NGUYEN TIEN HIEP, porte parole de la direction générale du chemin de fer, il faut un mois environ pour pouvoir les terminer. Cependant, en attendant ces résultats, quelques observations des spécialistes des chemins de fer pourraient nous éclairer sur les raisons de cet accident regrettable. Docteur Nguyen Si Dung a écrit au journal La Jeunesse du lundi 14 mars 2004 : “Premièrement,…un système de chemin de fer trop vieux et étroit n’assure pas la sécurité pour les trains à vitesse rapide” [7]. Cependant, les trains express nord-sud ont successivement réduit le temps du voyage de 40 heures à 36 heures, puis à 34 heures, puis à 32 heures, puis à 30 heures et moins…. encore tandis que les capacités techniques du système des chemins de fer sont restées limitées. Deuxièmement, le chemin de fer nord-sud est “monoligne” (à voie unique). Tous les parcours du nord au sud ou inversement, doivent utiliser cet unique chemin. Cela veut dire, qu’ils doivent attendre à une certaine gare prévue pour céder le passage à l’autre train. Troisièmement, le chemin de fer actuel passe à travers plusieurs secteurs très peuplés, ce qui est très illogique et pourtant la réalité.

Trouver les causes de cet accident est un travail important à accomplir, mais éclaircir les statuts de responsabilité ne l’est pas moins. La raison de l’accident pourrait prendre sa source de la fausse option, soit de la direction, soit du processus de l’exécution. Nous sommes en train de nous intégrer dans le monde, les normes de responsabilité sont donc les plus importantes qu’il nous reste à atteindre.

2- Culture... de collision des moyens de transport [8]

À 3 heures 30 de l’après-midi de ce 18 novembre 2004, au carrefour de la rue Hue-Tue Tinh (Hanoi, Nord-Vietnam), tous les conducteurs des moyens de transports s’arrêtent aux feux rouges. Un jeune homme conduisant rapidement un vélomoteur de marque « DREAM II » sur la rue Hue a brûlé le feu rouge sans pouvoir maîtriser sa vitesse et il a heurté l’arrière d‘un autre vélomoteur conduit par un adulte qui s’enfonce en avant de la rue opposée aussitôt après le feu vert. Cette collision n’est pas très forte, suffisamment pour jeter ces deux héros par terre. Tous les deux s’efforcent de se relever et s’avancent l’un vers l’autre, sans se soucier des deux vélomoteurs s’étalant au milieu du carrefour qui gênent la circulation. Tous les deux s’arrêtent en même temps et se serrent la main en s’offrant un sourire fraternel, relèvent ensuite leur vélomoteur et s’en vont. Les passants n’imaginent jamais la chose se terminer ainsi et attendent une querelle, une bagarre… comme c’est souvent le cas. Restant ébahis, les témoins du drame poussent enfin un soupir de soulagement. Sur la rue de Hue, le feu vert s’est allumé et personne n’en est conscient. Les yeux d’une élève stationnant son vélo à côté sont en larmes de surprise et de joie. Elle attend, elle aussi, une bagarre qui n’est pas survenue.

Les beaux actes et sentiments encourageants réchauffent toujours le coeur des témoins et peut-être cet événement leur a fait soudainement se souvenir de comportements semblables longtemps attendus.

On raconte aussi une autre histoire : Une vieille dame maigre et malade se tenait debout en se balançant au centre d’un bus rempli de passagers. Aucune place disponible pour s’asseoir confortablement. Ayant pitié de la faiblesse de la dame, un jeune homme lui céda la place en lui disant poliment : « Prenez ma place, s’il vous plaît ». Les yeux tout ouverts, surprise, la dame tomba subitement par terre, en syncope. Quelques voyageurs lui vinrent en aide et lui en demandèrent la raison. Enfin, la dame ayant repris connaissance leur répondit doucement : « Parce je suis très émue. J’ai choisi le bus comme un moyen prioritaire de circulation depuis une trentaine d’années et c’est la première fois que quelqu’un me cède la place. Merci, jeune homme ». Quand la dame termina son explication, le jeune – son visage se transformant de rouge en pâle - tomba par terre, à son tour en syncope. Dès qu’il eut repris connaissance, il se hâta de se justifier : «Parce que... j’ai souvent cédé ma place à plusieurs personnes, mais c’est la première fois que j’en entends une me dire... “merci” ».

L’événement de la collision des deux vélomoteurs a fait inventer cette petite histoire humoristique qui fait rire les gens aux larmes. Mais toutes ces deux prennent leur source dans la vie quotidienne et reflètent une partie de l’aspiration d’une vie sociale plus humaine.


 

3- « Des choses qu’on a vues... »

a) Réactions très communes

Vers 11 heures 30 du 13 novembre 2004 à la rue Quang Trung, district de Go vap, Ho Chi Minh-ville, un heurt est survenu entre deux vélomoteurs, d’une jeune fille de vingt ans environ et d’un homme moins jeune. Les cheveux poivre et sel de l’adulte manifestaient une personne expérimentée et plus ou moins cultivée et son apparence montrait qu’il avait une bonne santé. On ne savait pas exactement à qui incombait la faute. Les témoins pensaient cependant qu’il utiliserait son intelligence pour résoudre le problème convenablement. Soudainement, « bup », on eut juste le temps de voir : son poing est parti très rapidement. La jeune fille est tombée à la renverse et une bosse grosse comme un œuf apparût sur sa joue. Le monsieur montra ensuite des égratignures sur son vélomoteur et demanda à la jeune fille de le dédommager. Elle accepta et, silencieuse, elle sortit son mobile, appelant ses hommes afin qu’ils apportent l’argent pour résoudre le problème. Mais l’ignorance de l’adulte face au silence terrifiant de la jeune fille avant la tempête l’a poussé dans un fossé désespérant : sitôt que les hommes de la jeune fille apparurent, elle fonça directement et rapidement vers l’homme en hurlant et en lui donnant des coups de poings et de pieds (photo, p. 230).

Ces histoires « indigestes » et « donnant donnant » semblent montrer qu’il est plus facile de résoudre les problèmes en fonçant vers l’autre, yeux gros, violent et brutal comme un tigre, sans avoir besoin d’aucun intermédiaire pour analyser à qui appartient la faute. C’est difficile aussi à comprendre alors que l’on pourrait se serrer les mains en se réconciliant ou en attendant patiemment l’arrivée de la police. La vengeance fait encore partie d’un code de l’honneur et donc le pardon  dans un tel cas de figure serait considéré comme une démission.

Chaque jour, il survient des choses quasi paradoxales. Sur le chemin du retour, une journaliste d’un certain journal pour femmes est heurté par une femme conduisant un vélomoteur de « marque @ », en train de rouler sur la gauche, et qui tourne subitement à droite vers la rue en sens unique interdit pour raccourcir son chemin en barrant la route de la journaliste. Un freinage brusque a pu les sauver d’un grave accident. Cependant ce heurt a quand même réussi à déchirer complètement le garde-boue de devant du vélo de marque Wave de la journaliste. Les témoins affirmaient que la faute 100% revient à la propriétaire de @. Mais celle qui hurlait à grand cris, demandant le dédommagement, était la propriétaire fautive de @, sachant que le prix du vélo @ valait 10 fois plus de celui du Wave. En remarquant que les choses tournaient mal et que la propriétaire de @ était en bonne forme, celle du Wave monta sur son vélo et s’éclipsa laissant derrière elle des hurlements forcenés.

b) Histoire étrange

Bien que ce ne soit qu’un papotage, l’extrait de cet article intitulé “histoire étrange” paru dans une revue hebdomadaire peut être considéré comme un reflet quasi complet de la mentalité des gens actuels.

 “Toute la famille vient s’asseoir devant la télévision tout de suite après les publicités. Le programme des « histoires étranges » dans la ville est un programme d’émission de la télévision très estimé… Mais le programme d’aujourd’hui parait plus intéressant encore dès la présentation du M.C. (Master of Ceremonies) : “Mesdames Messieurs, aujourd’hui l’histoire étrange va être… très étrange. Sans commentaires, sans dialogues. Regardez attentivement notre objectif et l’histoire étrange surviendra”. Ma femme se plaint à haute voix : “Il parle trop : Vite ! vite !”. Mes quatre enfants font chorus : “C’est vrai, ce monsieur parle trop longuement, plus que maman”. Je réplique : “Silence, regardez”.

Sur l’écran apparaît un jeune homme en train de prendre son petit déjeuner en écoutant et regardant les nouvelles fraîches à la télévision. Ensuite, il porte son petit cartable, sort de sa petite maison en longeant la petite ruelle et s’arrête à une station d’autobus… Mon enfant se montre intelligent en disant : “Décidément, l’histoire étrange surviendra dans l’autobus”. Mais il n’y a aucune chose étrange qui apparaisse excepté sa tranquillité en lisant les journaux et sa délicatesse de céder sa place à une dame âgée…

Ma femme et mes enfants semblent perdre patience. Je les encourage : “Soyez patients, le M.C. a annoncé que la chose étrange arrivera à l’improviste !”…. Et le jeune homme descend de l’autobus, continue à marcher sur le trottoir. De temps en temps, il ramasse une bouteille vide ou des morceaux de papiers jetés partout dans la rue et s’en débarrasse à la poubelle le long de la rue. L’histoire étrange ne survient toujours pas... Mes enfants bâillent et l’un d’eux tend la main et prend sa bande dessinée préférée.

L’histoire continue malgré tout. Le jeune homme s’arrête devant le portail d’une grande maison où il travaille sans doute. Il regarde sa montre. Le zoom de la caméra nous fait voir les aiguilles indiquant 7 heures précises. Il entre allègrement, salue le portier et les autres qu’il rencontre dans la cour de la maison et se dirige directement au parking. Il s’avance vers une auto très neuve et la regarde pendant une bonne minute. À ce moment, ma femme crie de joie : “Ah ! Il va soulever la voiture tout seul avec ses deux mains !” Mon enfant jette son livre et hurle : “Non, il va démarrer la voiture par fascination”. Mais la chose étrange ne survient toujours pas. Cette fois, le zoom de la caméra nous fait voir le contenu d’un petit papier affiché à l’intérieur de la voiture : “Ne l’utiliser que pour le service commun”. Mon enfant reprend son livre et ma femme grogne. Impatiente, elle se lève et s’en va à la cuisine.

Sur l’écran, on voit le jeune homme qui se tient devant la porte d’une salle. Il ouvre la porte et il entre. Il s’assoit devant un grand bureau et sort de son cartable un épais dossier. Sur la tablette du bureau placé devant lui est inscrit : “Directeur”.

Le film se termine et le M.C. apparaît en disant : “Nous continuons à regarder la deuxième histoire étrange”. [9]

c) Vengeance d’une bande de voyous mineurs

HOC MON est un arrondissement de la banlieue de Ho Chi Minh-ville. La ville se développe et est rapidement urbanisée. On reconnaît encore les traces d’une vie campagnarde en voyant des jardins, des arbres fruitiers ou des rizières par-ci par-là qui se rétrécissent d’année en année parce que les gens de tout le pays y accourent pour y investir dans le commerce de la terre. Des projets d’envergure ont transformé la façade de cette région calme, modérée, en un quartier bruyant, tumultueux. Et vers 22 h 30 du 23 octobre 2004, les gens de hameau TAM VONG, quartier TAN XUAN, arrondissement de HOC MON étaient pris de panique en étant témoins d’une attaque avec des haches d’une bande de quarante mineurs environ. Mais, les forces de la garde civile intervinrent à temps. M. HA VAN QUI, la victime, raconta : « Cette nuit-là, je me rendais chez mon père pour chercher mon fils. En passant devant le portail de la villa PHUOC DUC, une bande des mineurs fonça vers moi avec des bruits de pas tumultueux. “Sabrez-le ! Sabrez-le!” a hurlé M. Ti, mon voisin qui était à la tête. Ils étaient très nombreux, environ 40 petits voyous qui m’encerclaient et me donnaient des coups de haches. Je ne savais momentanément qu’éviter les coups de haches avec les bras nus et reculer à travers les portails de la villa encore entr’ouverts. Ils abandonnèrent leur fugitif grâce à l’intervention de deux personnes qui étaient en train de faire descendre les marchandises d’un poids lourd. Et je suis tombé dans le coma… »

La cause de cette vengeance est bien claire. La nuit précédente, M. HA VAN QUI avait pris l’initiative de réconcilier les deux bandes de jeunes qui se battaient pendant les cérémonies funèbres d’une famille auprès de chez lui. Son enfant est membre de l’une de ces bandes. La bande de TI s’en allait en silence. Le lendemain à midi, quand les funérailles se terminaient, TI proclama à l’avance : « Nous reviendrons à 22 heures ».

Selon les enquêtes de la police locale, cette vengeance était dirigée par NGUYEN HUU DUC, surnommé TI, né en 1987. DUC assignait à TAM de cacher quinze haches et de les distribuer à l’heure J à ses complices : DANG NGUYEN HOAI PHONG né en 1984, NGUYEN ANH DANH né en 1983, LY MINH THUAN né en 1987, NGUYEN CONG VU né en 1985. Les autres s’étaient éclipsés rapidement. La police continuait à faire des enquêtes et recherchait ceux qui étaient compromis dans l’affaire.

d) Image et crime de deux jeunes brigands [10]

La police a terminé les enquêtes d’un vol de voiture à main armée le 28 octobre 2004 à CU CHI, banlieue de Ho Chi Minh-ville. Les acteurs de ce crime sont deux jeunes gens venus du centre du Vietnam : DANG NGOC DUY AN né en 1988 à Quang Nam et NGUYEN VAN QUOC né en 1985 à Binh Dinh.

DUY AN, benjamin d’une famille de 8 frères et sœurs, a abandonné ses études en cours de route, une année avant de finir le premier cycle. Il a quitté son village natal pour rejoindre ses frères et sœurs à Thu Duc, Ho Chi Minh-ville, se logeant temporairement dans l’arrondissement de Go Vap. Tous les jours, il se rendait à Thu Duc pour aider ses frères au service d’une cafétéria.

VAN QUOC connaît le métier de réparation des vélomoteurs. Cependant, il méprisait ce boulot à la fois pénible et sale et, à l’invitation du frère de DUY AN, il a accepté ce nouveau travail sans hésitation.

DUY AN et VAN QUOC passaient ensemble la nuit à la cafétéria et habituellement s’entretenaient tranquillement jusqu’à minuit. Ses frères et sœurs en étaient contents en pensant qu’ils étaient du même avis.

Le matin du 19 juillet 2004, DUY AN empruntait le vélomoteur de son frère pour sortir sans raison précise. Le frère de DUY AN demanda à VAN QUOC d’aller chercher des cassettes VCD dans l’après-midi du même jour. Mais VAN QUOC rejoignit plutôt son copain et ensemble, ils se dirigèrent vers la direction de TAY NINH. Ils s’arrêtèrent à TRANG BANG, à 60 km de Saigon, et y louèrent une chambre pour y passer la nuit. Le lendemain matin, 20 juillet 2004, tous les deux se servirent de ce vélomoteur pour passer la frontière du Cambodge, au port de Go Chai, arrondissement de Ben Cau et y vendirent le vélomoteur au prix de 600 USD. Ils cherchèrent ensuite une personne de connaissance au marché Xa Bu (Cambodge) en vue de faire la commande d’un fusil AK et de 43 balles au prix de 400 USD et se rendirent à son hôtel. Deux jours après, ils retournèrent au Cambodge pour recevoir le fusil. Ils le démontèrent ensuite pour faciliter le transport et se rendirent à leur logement de Trang Bang.

Pour réaliser leur rêve de posséder une voiture à 4 places en vue de ravir les biens d’un magasin de vente et achat des objets précieux, ils firent le numéro d’un propriétaire d’une voiture à louer pour les amener à Saigon. La voiture accédait à la région de Hoc Mon. La circulation devenait de plus en plus dense. Les maisons grouillaient des deux côtés de la route. Nos deux brigands prenaient conscience que l’occasion d’entrer en action leur avait échappé. Ils inventèrent le prétexte d’avoir oublier quelque chose à l’hôtel et demandèrent au chauffeur d’y revenir. L’un des deux pointait le fusil sur la tête du chauffeur en le forçant d’arrêter la voiture. Celui-ci prit la place au volant, et Hiep (le propriétaire de la voiture) celle de côté, en conduisant la voiture d’une main et en intimidant la victime de l’autre. Le deuxième brigand s’assit derrière Hiep. Arrivant à un endroit désert, le nouveau chauffeur arrêta la voiture et ordonna à Hiep de descendre. Subitement, Hiep résista à l’agression. Aussitôt, celui qui était assis derrière lui, l’étrangla. Tandis que les deux se battaient, l’autre appuyait sur la détente. Hiep mourut. Ils appuyèrent le corps contre le siège de devant et tournèrent brusquement la voiture en direction de Saigon. Mais comme il virait d’un demi-tour subitement, le cadavre tomba contre le volant en faisant perdre la direction au nouveau chauffeur et la voiture monta sur le trottoir droit. Les passants s’empressèrent de venir secourir la voiture « accidentée ». Les deux voleurs se précipitèrent dans la rue et s’enfuirent en jetant le fusil et leur sac à travers la haie d’un particulier. Pourtant, ils n’ont pas pu s’échapper.

Dans les jours qui suivirent, les deux criminels à sang froid furent jugés sévèrement pour triple transgression : homicide, vol du bien d’autrui et utilisation illégale de l’arme. Bien que la cause criminelle soit accomplie, ce phénomène révèle l’augmentation des criminels mineurs dont la raison principale tourne autour du manque d’un but juste dans la vie, du désir de consommation sans travailler et de l’obtention d’un résultat tout de suite. Et il est aussi un son de cloche d’alarme pour les personnes se souciant de l’avenir du peuple.

e) Des enfants apprenant à devenir des chefs de bande [11]

Vers 22h30 du 27 octobre 2004, tandis que les gens de la ruelle du No 578 de la rue Hung Vuong, quartier 13 du 6e arrondissement, Ho Chi Minh-ville, se préparaient à dormir, commençaient tumultueusement d’abord des discussions à voix haute qui se transformèrent ensuite en querelles et se poursuivirent par des éclats de bouteilles et de vitres. Les gens du hameau se précipitèrent dans la ruelle et virent une bande de jeunes gens, bouteilles dans les mains, hurlant, menaçant tout le monde et jetant des bouteilles vides à travers les portes et fenêtres de la maison de M. Duong Hai Nam.

Selon des témoins du quartier, 15 minutes avant le drame, Quoc Anh, né en 1989 et sa bande des mineurs se rassemblaient avec brouhaha devant la maison de Duong Mong Long, fils de M. Nam. Les chiens aboyaient évidemment. Des disputes éclataient entre les petits voyous et Long d’abord et entraînaient des bagarres ensuite. Tout seul, dans l’impossibilité de lutter contre une bande à la fois excitée et féroce, Long criait au secours en rentrant chez lui et s’emparait d’un bâton pour se défendre. Au cri de son fils, M. Nam vint à son secours et les deux camps continuèrent de se battre. La bande de Quoc Anh s’empara des bouteilles d’une auberge d’à côté pour les utiliser comme armes de guerre. En voyant des éclats s’étalant partout sur la terre, M. Nam s’éclipsa dans sa maison et referma la porte tandis que les voisins aidaient Long à s’enfuir. Restés au dehors, les malandrins continuaient à jeter des bouteilles, des pots de fleurs en rafales redoublées vers la maison de M. Nam et menaçaient de tuer Long, son fils, et d’incendier la maison si Long n’apparaissait pas. Voyant la gravité de la situation, les voisins appelèrent la police du quartier. Et le quartier reprit enfin sa tranquillité. M. Nam ainsi que Quoc Anh, chef de la bande, étaient tous deux blessés et ils furent transportés à l’hôpital pour les premiers soins.

Mais, le drame ne s’arrêta pas là. Après que la bande se fut dispersée, une personne se nommant père de Quoc Anh, le chef de la bande, entra dans la maison de M. Nam pour pester bruyamment et menacer de tirer sur ceux qui avaient frappés Quoc Anh, son fils.

La police a arrêté tous les perturbateurs pour leur faire subir un interrogatoire.

f) par mégarde

- À l’heure de pointe dans une bibliothèque, nombreux sont les gens qui s’appliquent à la lecture ou à la recherche de documents. L’atmosphère est parfaitement calme et très favorable à un tel travail intellectuel. Tout à coup, des bruits de sandales qui traînent résonnent bruyamment en même temps que la voix d’une jeune fille qui répond au téléphone. Son dialogue à travers le téléphone portable attire l’attention des présents par son utilisation de mots d’argot, y compris des mots grossiers, le langage de la rue. Ceux qui y sont présents lèvent les yeux pour contempler notre amie qui apparaît à la porte d’entrée, vêtue très à la mode. Une étudiante fronce les sourcils en disant : « Quelle impolie ! ». Un autre, plus tolérant, réplique : « Ce n’est qu’une mégarde ! ».

- Trois malades dans une salle d’un hôpital : un patient âgé entouré des personnes de sa famille qui, visages très tendus, s’inquiètent de sa santé ; un deuxième patient est à peine assoupi ; le troisième, encore très jeune en train de s’entretenir joyeusement avec ses deux amies en visite. L’une de ces deux jeunes filles se plaint de son grand-père : « …très âgé et il ne veut pas mourir encore…, ce qui nous oblige à le servir péniblement ». Et elle conclut d’un ton vraiment ingrat : « Quand je serai un peu âgée, pour ne pas martyriser mes enfants, je choisirai la mort en prenant un médicament…. ». Une des dames des personnes de la famille du patient âgé fait cette remarque : « Quelle fille qui, par mégarde, ne sait pas surveiller ses paroles ! ». On comprend par cet exemple qu’il faut aussi éduquer à la capacité de se taire dans certaines circonstances au-delà de l’intérêt de favoriser des postures de silence.

- Deux jeunes filles viennent de sortir d’un supermarché portant des lots de marchandises en bavardant gaiement des choses qu’elles ont vues et achetées. Etant absorbées par la conversation, elles se heurtent à un vendeur de loterie qui désire traverser la rue, ce qui fait éparpiller leurs marchandises dans la rue. Nos deux amies ramassent les objets tombés en murmurant : « Cet homme a des yeux qui ne voient pas ». Irrité, un passant réplique : « Ce sont vous qui avez des yeux qui ne voient pas. Comment un aveugle peut-il voir ? ». En regardant le vendeur de loterie, nos deux amies reconnaissent cet homme qui utilise un bâton en tâtonnant pour traverser la rue. L’une d’elles dit enfin : « Nous sommes vraiment en mégarde ».[12]

g) Nécessité d’être honnête

“Nécessité d’être honnête”, c’est le titre d’un article publié dans la revue Tuoi Tre Chua Nhat (Jeunesse du dimanche) [13], manifestant cette “maladie de malhonnêteté” très répandue dans la vie courante au Vietnam et pourtant considérée comme “normale”. Habituellement, toutes les provinces de tous niveaux font le bilan en fin d’année pour le présenter ensuite au bureau central. Cette année, les villes et provinces ont publié leur chiffre vertigineux de l’accroissement de la production locale : le GDP (Gross Domestic Product) s’accroît de 10-15%. Pour des provinces les plus faibles : 9-9,9%. Cela signifie que les 64 villes et provinces de tout le pays ont une accélération d’accroissement fantastique. Certains spécialistes en économie se demandent anxieusement : le GDP des villes et provinces est très élevé, pourquoi le GDP de tout le pays n’atteint que 8,4% ? Depuis 15 ans, le GDP du pays ne dépasse jamais la limite de 8,5%. Dans la période de 1991-1997, le GDP a atteint le chiffre culminant 8,5%. Mais de 1998 à l’an 2000, à cause de la crise économique locale, le GDP n’a atteint que 5,8-6,5%, et de 2001 à 2004, il s’accroît en moyenne de 7,2 à 7,5%. En cette année 2005 le GDP de tout le pays a atteint 8,4%, ce qui a battu le record mondial. Cependant, ce chiffre n’est qu’égal à la moitié ou 2/3 de l’accroissement du GDP de plusieurs provinces. Quel paradoxe ! Parce qu’ un bref calcul montre que le GDP total de tout le pays, en se basant sur le GDP de 64 villes et provinces, devrait atteindre l’accroissement de 12% à 15%. Mais en réalité, d’une part, atteindre 8,4% a exigé des luttes interminables et le gouvernement a visé le but de l’accroissement du GDP à 8,6% seulement pour l’année 2006. D’autre part, des dizaines de compagnies ont subi une perte et des dettes de milliards de « dong » vietnamien. D’où vient donc ce GDP ?

Des rapports généraux, non concrets ainsi se voient et se réalisent à plusieurs endroits et on se contente de ce résultat peu honnête. Autrement dit, « l’idéal de l’éducation socialiste est impeccable »[14]. Cependant, des pressions venues de partout, « plusieurs facteurs sociaux et économiques l’ont fait pervertir: l’éducation socialiste ne vise que le but de former un homme socialiste boiteux pour servir le Parti ainsi que les nouvelles classes qui gouvernent ». Ne viser qu’un seul but, avoir des œillères, donnent un amour fanatique mais parfois ralentissent le développement : « En dehors de l’idéal socialiste, il n’y a rien d’autre : la morale révolutionnaire, c’est aimer le Parti. Les élèves sont éduqués dans un sens unique : imiter l’Oncle HO ; lutter pour devenir membre du Parti; écraser les partenaires opposés, les coutumes traditionnels ; un bon élève signifie un élève vachement socialiste ; inculquer dans l’esprit des jeunes la distinction des amis de l’ennemi... »

La réponse à la question sur les aspirations des jeunes manifeste une partie de la mentalité des jeunes d’aujourd’hui qui est développée dans le chapitre suivant.

Quels sont les goûts des jeunes, que font-ils pendant les moments libres ? (on peut donner plusieurs choix en même temps=364réponses)

-           participer au spectacle musical :        29

-           télévision :                                              34

-           « jeux » sur l’ordinateur :                 47

-           Écouter la musique :                             26

-           Lecture :                                               29

-           Cafétéria :                                              37

-           Restaurant :                                           17

-           Karaoke :                                               36

-           Sports :                                                  35

-           Bibliothèque :                                     15

-           shopping :                                              34

-           Ne rien faire :                                         25

 

Il est intéressant de constater que, pour des jeunes, la paresse est une valeur qui compte infiniment plus que s’adonner à la lecture. Cela prouve que la culture scolaire n’a pas toujours l’impact qu’on prétend… Quant à la culture informatique elle se développe aussi facilement que dans les pays occidentaux.

Fraudes publiques des marchands ambulants des crabes et des mangues, soutirage des matériaux dans le champ de construction, transgressions du code de la route, courses des vélomoteurs à haute vitesse sans freins, des réactions très communes d’un heurt de deux vélomoteurs, vengeance des voyous mineurs, image et crime de deux jeunes brigands, des enfants apprenant à devenir des chefs de bandes, des comportements indifférends ou par mégarde, des jeux avec les chiffres...Tout cela a en grand nombre dans la vie quotidienne de manière qu’il devient normal et implicitement accepté par le public. La gravité du problème est là.

 

[1] VU QUOC TUAN, Maladie de tricherie, Hebdomadaire Jeunesse du dimanche, No 32, août 2001.

[2] N.V.HAI, Jounal La Jeunesse, Vendredi 4 mars 2005.

[3] NGUYEN HIEU, Journal La Police, Jeudi 10 mars 2005

[4] Le permis de conduire sera troué une fois selon la gravité de la transgression. Il sera retiré au 3e trou.

[5] DINH TRUNG-D. HUY, Journal La Jeunesse, mercredi 20 octobre 2004

[6] Équipe des journalistes du Centre, Journal La Jeunesse, lundi 14 mars 2005.

[7] La vitesse moyenne du train au Vietnam est à 40 km à l’heure.

[8] Reportage de BUI HUY, hebdomadaire Savoir d’aujourd’hui, No 519, p. 61 et suiv.

[9] PHUONG LINH, hebdomadaire TUOI TRE  du dimanche, 28/11/2004, p. 41.

[10] NGUYEN VINH, Journal La Police, 2 novembre 2004.

[11] BINH-HIEN, Journal La police, mardi 2 novembre 2004.

[12] Le Thi Ngoc Vi, Mégarde ?, Hebdomadaire La Femme, Saigon, No 15, 24 avril 2005.

[13] Hebdomadaire “Tuoi Tre Chua Nhat” (Jeunesse du dimanche), 8 janvier 2006, p. 9.

[14] Annexes, page 15, ligne 426.