Chapitre II :

Époque florissante (1955-1975)

1- Coup d’œil sur le panorama d’une époque florissante

Poser un point de repère de l’époque florissante de 1955 à 1975 ne veut pas nier les œuvres des Frères qui ont fleuri dans les années précédentes. Il y a pourtant des raisons. Les accords de Genève en juillet 1954 ont divisé le Vietnam en deux : La Démocratie des Viet-minh (communistes vietnamiens, expression utilisée avant 1954) occupe le Nord jusqu’au 17e parallèle. C’est la fin des œuvres des Frères au Nord du Vietnam. Le Frère Provincial a écrit ceci à la Maison Mère de Rome : « Obligés de suspendre l’activité de nos œuvres au Tonkin (Nord-Vietnam) trop exposées à des difficultés politiques, le Collège Puginier de Hanoi, avec 1 425 élèves, et le Collège Saint-Joseph de Hai-Phong avec 1 097 élèves ont été fermés à la date du 15 septembre 1954 »[1]. Les Frères qui travaillaient au Nord ont laissé avec douleur et regret ce que, eux et leurs prédécesseurs, avaient bâti et se rendirent au Sud en amenant avec eux les jeunes juvénistes, l’avenir du district : Collège de la Mission (école gratuite), fondée à Hanoi en 1895 ; École Saint Thomas d’Aquin, à Nam Dinh, avec son cabinet de physique et son laboratoire, fondée en 1924, « un ardent foyer de vocations religieuses et sacerdotales »[2] ; école de Phat Diem, fondée en 1932 ; École Sainte-Famille, fondée en 1937 à Bui Chu ; Externat Notre-Dame, fondée en 1937 à Nam Dinh ; École gratuite Hai Phong, fondée en 1952. La parole du Frère Junien-Victor, Assistant du Frère Supérieur Général, à ses familiers après sa visite en Indochine en 1934, doit nous convaincre du bien et de l’influence des Frères sur la jeunesse au Tonkin : « J’ai été très heureux de ce voyage. J’ai visité deux fois chacune des Communautés et je crois que mon passage a fait du bien »[3] ; et celle d’Albert Sarraut, ancien Gouverneur Général de l’Indochine : « On ne devrait envoyer en Colonie que des hommes de valeur ».[4]  (photo, p. 235)

Le centre d’accueil, Mossard, école des Frères, de Thu Duc, banlieue de Saigon, a ouvert ses portes pour recevoir les premiers évacués du nord, les Séminaristes de Phat Diem et les juvénistes des Frères. Plus de 5 000 réfugiés furent hospitalisés à Saigon et aux environs. Une page nouvelle tourne. La vie reprenait ses droits. Peu à peu, tout se stabilisait. Des nouvelles fondations fleurissaient : 1956 : La-san Kim Phuoc (Kontum, au centre) ; 1957 : La-san Binh-Loi (Qui-nhon, au centre) ; 1958 : La-san Ban mê Thuôt, (au sud du centre, sur les hauts-plateaux)

7 ans après l’évacuation des écoles du Tonkin, les Frères ont suffisamment de temps pour se stabiliser et se développer au sud du Vietnam. C’était en 1962 que la visite du Frère Supérieur Général Nicet Joseph a revêtu « un caractère presque triomphal »[5]. Dans les grandes provinces (surtout à Saigon et à Nha Trang) où se situaient les écoles des Frères, il était accueilli comme un roi en visite avec des convois de voitures précédées par celles de la police. « Ce qui l’a rempli de fierté, selon ses propres paroles, c’est de voir les Frères vietnamiens répondre toujours mieux aux besoins de la population »[6]. Le Chef de l’Institut a pu ainsi admirer et constater le développement de l’Institut au Vietnam, « magnifique province lasallienne »[7]. Grâce au renfort des Frères évacués, peut-être, ou grâce à la décision de rattraper ce qui était perdu, mais aussi grâce à la « terre fertile » du sud, 31 nouvelles œuvres ont vu le jour pendant une période de 20 ans, de 1954 à 1975.


 

 

 

Etablissements

Lieu

Ouverture

Fermeture

1

Ecole Bénilde (La San Ba Ninh)

Nha Trang

1954

1975

2

 Ecole Saint Joseph (école gratuite)

Nha Trang

1956

1975

3

 Ecole Nghia Thuc (école gratuite) 

Saigon

1956

1975

4

Ecole Kim Phuoc à (Hauts-plateaux)

Kontum

1956

1971

5

Ecole Binh Loi

Qui Nhon

1957

1972

6

Juvénat de Thu Duc 

Gia Dinh

1957

1975

7

La San Mai Thon (ferme)

Saigon

1958

 

8

Ecole Ban Me Thuot

Haux-Plateaux

1959

1975

9

Scolasticat universitaire

Da Lat

1959

1975

10

Ecole Technique

Da Lat

1960

1975

11

Ecole Van Coi (gratuite)

Bien Hoa

1961

1975

12

Ecole Phu Vang

Hue

1961

1968

13

Ecole Chanh Hung

Saigon

1962

1975

14

Ecole « Têrêsa » (Sainte Thérèse)

Ban Mê Thuot

1963

1963

15

Ecole Primaire (centre)

Qui Nhon

1963

1972

16

Ecole Bao Vinh

Hue

1963

1964

17

Maison Sainte Famille

Saigon

1963

 

18

Ecole My Xuyen (sud) 

Soc Trang

1966

1972

19

Ecole Ghênh rang

Qui Nhon

1967

1967

20

Ecole Hiên Vuong

Saigon

1967

1975

21

Ecole des Aveugles

Saigon

1967

1975

22

Ecole Cân Tho (sud)

Cân Tho

1967

1975

23

Maison Provinciale

Saigon

1967

1975

24

Foyer Universitaire

Da Lat

1968

1975

25

Ecole Qui Duc

Qui Nhon

1969

1972

26

Institut des Sciences de l’Education

Saigon

1970

1970

27

Université Thành Nhân

Saigon

1970

1975

28

Ecole Thanh My

Saigon

1970

1975

29

Ecole Chu Prong (pour les minorités ethniques)

Nha Trang

1972

1975

30

Ecole LangBiang (pour les minorités ethniques)

Da Lat

1974

1975

31

Université La San

Saigon

1974

1975

Ce tableau montre que les écoles se développent particulièrement bien au Sud-Vietnam entre 1954 et 1975. Par contre au Nord Vietnam plus aucune école lassalienne n’est présente à partir de 1954. 

Itinéraire de l’éducation lasallienne

L’ouvrage « Conduite des Écoles Chrétiennes », écrit par M. de La Salle, était considéré comme un livre de chevet des premiers Frères.  L’intention de M. de La Salle était révélatrice, exprimant la relation éducative basée sur le respect, l’amour des élèves et la tendresse qu’il veut faire régner dans les écoles. Certains mots qui manifestent cette attitude reviennent souvent dans ses écrits : bonté (222 fois), « toucher les cœurs » (25 fois), douceur (56 fois) tendresse (79 fois) … C’est donc que pour lui, dans l’accompagnement de l’élève, ce sont les sentiments et attitudes de bonté-douceur-tendresse qui permettent de rencontrer les élèves dans ce qui est le plus profond et le plus personnel en eux : le cœur[8]. Déjà les 5 dynamismes transversaux encore pertinents aujourd’hui que les Frères réalisent toujours dans leurs écoles à travers les âges sont figurées dans « la Conduite des Écoles ». Ils peuvent être résumés dans ce schéma suivant :

La formation humaine occupe toujours la première place dans l’éducation lasallienne. Selon de La Salle, l’efficacité dans l’éducation dépend de la qualité des « 12 vertus » du maître :

a) Intériorité : gravité, silence, humilité, piété ;

b) Maîtrise de soi : prudence, sagesse, patience, retenue, douceur ;

c) Engagement : vigilance, zèle, générosité.

Ce schéma suivant présenté par Frère Léon Lauraire résume tout l’itinéraire de l’éducation des écoles des Frères.

 

 

 

Text Box: Intuitions Éducatives
De Saint Jean Baptiste de La Salle
1651-1719
Text Box: Intuitions basées sur une anthropologie chrétienne qui conduit à un PROJET D’ÉDUCATION GLOBALE : « Éducation Humaine et Chrétienne »
Text Box: 3
Dans une relation pédagogique basée sur la TENDRESSE
Text Box: 2
Spécialement ceux qui en ont le plus besoin : les PAUVRES
Text Box: 4
Dans une école 
centrée sur l’ÉLÈVE
Text Box: 5
Avec des exigences : valeurs, modes de vie et de travail.
Text Box: 2
Vivre et travailler ENSEMBLE et par ASSOCIATION
Text Box: 3
En formant une vraie COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE
Text Box: 4
…qui agit dans un PROJET CONCRET
Text Box: 5
Des ATTITUDES : disponibilité, gratuité, engagement, témoignage. 
Text Box: ÉVANGELISER dans la LIBERTÉ des Personnes.
Text Box: D’où
la
FRATERNITÉ
au cœur 
de l’ÉCOLE
LASALLIENNE

  

 

 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À travers l’histoire, les écoles dans le réseau lasallien dans le monde entier, et particulièrement au Vietnam, s’efforcent d’être fidèles à ces intuitions originales de leur Fondateur.

2- Époque florissante de 1955-1975 : un passé plein de succès qui a fait fausser l’image d’un Frère

Un coup d’œil sur quelques écoles lasalliennes (photo, p. 238)

À leur début, toutes les écoles étaient gratuites. Avec le temps, les écoles se développaient, certaines devinrent peu à peu payantes. C’était normal car l’autosuffisance, permettant de construire des classes, monter des laboratoires, des bibliothèques, ne pouvait pas trouver d’autre issue.

Cependant la tradition de l’aide pour les plus défavorisés ne fut pourtant pas oubliée. À côté des écoles payantes, furent maintenues des écoles gratuites ou à scolarité très réduite. Par ailleurs, dans les écoles payantes, il devait y avoir un pourcentage d’élèves admis gratuitement, totalement ou partiellement.

En réalité, parmi les 31 écoles fondées de 1955 à 1975 et celles qui existent déjà avant 1954 comme Taberd, Duc Minh, Mossard, Adran, Saint Joseph (My Tho) et les autres au nord du Vietnam, il n’y avait qu’un petit nombre qui tranchait sur le monde de l’éducation par leur propriété majestueuse ainsi que par la qualité de leur éducation. Des grands personnages de l’ancien régime ont choisi Taberd ou Mossard ou Adran pour confier leurs enfants, ceux de Ngo Dinh Nhu, de Nguyen cao Ky par exemple.

Il n’y a rien de comparable dans le domaine des locaux entre les écoles des provinces et ceux de Taberd ou de Mossard. Cependant les Frères dans toutes les écoles gratuites ou payantes s’efforcent de vivre l’esprit de leur Fondateur en apportant aux élèves une éducation complète selon les moyens, parfois très humbles, de leurs situations sociales et économiques.

École de Taberd

L’institution Taberd était une des écoles la plus grande et la plus renommée parmi les 31 établissements dirigés par les Frères au Sud-Vietnam. Son bel emplacement, situé juste au centre de Saigon, près de la cathédrale et de la poste centrale attirait toujours le choix des parents pour leurs enfants. Au début, Taberd se composait des pensionnaires, des demi-pensionnaires et des externes. À la fin des années soixante, elle ne comprenait que les externes. C’était une école du primaire, du premier et du second cycle. Elle recevait des enfants et des jeunes venus des pays d’Extrême-Orient les plus divers, de toute origine, de toute race, de toute croyance (photo, p. 236).

Quant aux études, Taberd enseignait des programmes français et vietnamien parallèlement « en suivant le développement naturel des programmes officiels au cours des années. En 1900, c’étaient les matières du Certificat d’Études ; plus tard, celles du Brevet, et bientôt du Baccalauréat, en y ajoutant les Études Commerciales et Techniques»[9]. Ce qui a rendu les Frères de plus en plus confiants en eux-mêmes, c’est que les élèves actuels et anciens étaient fiers d’être tabériens[10] et qu’ils ont bien réussi dans la vie. « Aussi les Anciens de Taberd occupent-ils de belles situations dans le Commerce et de l’Industrie, l’Administration, l’Armée, et dans les Assemblées Nationales jusqu’aux plus hauts postes »[11]. Un officier dans l’armée de l’ancien régime a affirmé : « Nous ne possédons rien de comparable comme maison d’éducation ».[12]

Pour répondre aux aspirations des parents d’élèves, Taberd rénovait sans cesse sa pédagogie pour la rendre conforme au développement du pays et en fonction de celui des autres nations. La méthode audio-visuelle était appliquée dans presque toutes les classes. À partir du premier cycle, les élèves, contents de leur découverte personnelle, commençaient à s’habituer aux travaux pratiques en laboratoire. Conscients de la nécessité de la conversation directe en étudiant une langue étrangère, en dehors des heures de cours en classe, les Frères favorisaient souvent la pratique. Pour aider les élèves à mieux comprendre les théories des leçons étudiées en classe, les Frères amélioraient leur compréhension par l’organisation des cours d’électricité domestique, de moteurs et d’électronique.

L’éducation des Frères en général et de Taberd en particulier visait toujours le développement entier de l’homme sous tous les aspects. Après une semaine d’études astreignantes en classe, les élèves s’entraînaient aux diverses activités périscolaires. Ainsi, en dehors des heures de classe, les élèves se réunissaient le samedi et le dimanche en participant au mouvement scout à la fois pour se distraire et se former à vivre avec les autres. Le cours de musique était aussi plein de monde. Des cours de piano, de violon, de guitare étaient continuellement ouverts pendant toute l’année scolaire. Ceux qui se passionnaient pour l’art pouvaient suivre des cours de dessin ou de photographie. En cette année scolaire 1972-1973 par exemple, nos petits dessinateurs ont remporté une médaille d’argent et une médaille de bronze. À la fin de cette année même, L’UNESCO coréen a organisé un concours de dessins d’enfants. Taberd a reçu le prix d’honneur, un second prix, un 3e prix et plusieurs autres prix d’encouragements. Exercer le corps n’est pas moins important. Aussi, les mouvements sportifs attiraient le plus de participants. Chacun participait à une ou des activités périscolaires selon leur choix : sport (basket-ball, ping-pong, football, volley-ball, karaté, …). Aussi, les 5 minutes de gymnastique avant la classe étaient-ils immanquables.

Des soirées récréatives organisées avec grand succès pendant les grandes fêtes de l’année émerveillaient tous les spectateurs : « Il est des spectacles qui, après la séance, vous laissent à l’esprit un vide et, déçu, on regrette d’y avoir été. Mais il y a des soirées réjouissantes auxquelles on assiste les yeux ravis, l’âme en fête et on en revient chargé de souvenirs qui vous font revivre le bonheur d’autrefois. Telles sont les impressions que l’on emporte de la séance récréative organisée samedi soir (7/3/1959) dans l’enceinte de l’Établissement scolaire rue Nguyen Du par l’association des parents d’élèves de l’Institution Taberd »[13].

Ces témoignages venus d’un public autorisé peuvent se passer de commentaires. La brillante réussite de cette soirée encouragea Taberd dans ses activités parsemées au long des années.

Au cours de l’année, Taberd organisa différents rassemblements pour la Messe traditionnelle, la fête patronale de l’école le 8/12, la fête de Noël, la cérémonie de l’entrée scolaire. Pendant toutes ces occasions, des grands personnages furent invités. Comme en l’an 1971 par exemple, placée sous la présidence du Ministre de l’Éducation nationale, en présence du Président du Sénat, des membres de l’Association des Parents, des anciens élèves, parents, amis et représentants des différentes écoles de Saigon. Cette fête de rentrée, solennelle et de belle tenue, redonna confiance en la jeunesse du Vietnam.

Le 24 décembre de la même année, « dans la cour intérieure » de Taberd, fut célébrée une magnifique Messe de Noël. Le décor fut particulièrement soigné : un panneau de vitraux de 200 m2, ayant pour thème « La Paix au Vietnam », dominé par une étoile de 10 m. Plus de 2 600 personnes ont assisté à la Messe. Dans l’après-midi, une soirée musicale et artistique, à l’intention des jeunes, au profit des blessés de guerre, a attiré une assistance aussi nombreuse que celle de la Messe ».[14]

Regardons, par ce tableau, les augmentations des publics qui y sont scolarisés :

Les statistiques du développement de l’Institution Taberd jusqu’en 1969.

Le rassemblement le plus spectaculaire dans les années 50 fut celui de la fête de Saint Jean-Baptiste de La Salle au stade de Tao Dan qui eut lieu le matin du 18 mai 1958 : Grand Rallye des Écoles Catholique de Saigon pour Fêter Saint J.B. de La Salle, Patron de tous les Éducateurs. Grâce à la diplomatie, au bout d’un mois de démarche, les Frères ont pu rallier 32 Écoles qui promirent d’envoyer nombreux leurs élèves au Rassemblement et le chiffre total monta à 12 000. Y était présent M. Dê, directeur de l’École des Beaux Arts. Se tenant au fauteuil d’honneur, il donna au Ministre de l’Éducation son impression qui reflète totalement la réussite de la fête : « Hier, j’ai été au Rassemblement des Écoles Publiques, c’était la pagaille ; aujourd’hui, c’est l’ordre et la discipline ». Le Ministre acquiesça avec un sourire. [15]

La réussite à l’examen de fin d’étude secondaire n’est pas forcément un critère essentiel pour évaluer la qualité d’une école. Cependant, aux yeux des parents d’élèves, elle reste toujours une mesure visible de la compréhension des élèves à la fin du second cycle et un choix décisif pour y confier leurs enfants. Voici le résultat typique aléatoirement choisi du baccalauréat à la fin de l’année scolaire 1972-1973, un résultat qui fascinait presque tous les parents :

 

 

1972-1973

Pourcentage

Mention

 

 

 

Très Bien

Bien

Assez Bien

Math. Élem.

13/16

81,3%

 

3

6

Sciences Ex.

16/21

76,1%

 

1

7

Bac II vietnamien Série A (Sciences Ex.)

70/73

96%

 

1

8

Bac II vietnamien Série B (Math. Élem.)

117/117

100%

2

4

20

Bac II vietnamien Série C (Philo.)

11/11

100%

 

 

3

Témoignage d’ anciens élèves :

Depuis une dizaine d’années, les anciens élèves des écoles lasalliennes se sont réunis d’abord spontanément pour remémorer les anciens souvenirs « mauvais » et bons et surtout pour faire quelque chose qui puisse être utile à la jeune génération afin de « payer une dette de reconnaissance à nos anciens professeurs», comme ils l’ont souvent exprimé à chaque rencontre. À Saigon également, pour un essai de retrouvailles des anciens élèves sortis de Taberd dans les années 50, M. Nguyen van Cong a pris l’initiative de faire appel à la contribution des anciens tabériens qu’il connaissait à l’étranger d’abord et ensuite dans le pays pour construire des ponts de béton armé remplaçant des « ponts de singes »[16] en l’an 2004. Une pancarte écrite « offert par Taberd » a été dressée aux deux bouts, après l’inauguration. Pour commencer à communiquer ces nouvelles à d’autres tabériens, il a organisé au début de 2005, un premier repas amical qui a réunit ses amis tabériens venus de l’étranger, M. Ho ngoc Nhuan et quelques autres participants à Saigon et moi-même. C’est ce repas qui fit plus tard germer l’idée de fonder une « Amicale d’anciens élèves lasalliens ». Un 2e repas a eu lieu au mois d’avril 2005 où se rassemblaient une trentaine de tabériens de l’ancienne génération. Cette fois quelques grands personnages y étaient présents : M. Ngo cong Duc, Père Huynh Cong Minh, Docteur Nguyen Huy Diem, Docteur Nguyen Dung Chi... et M. Ho Ngoc Nhuan évidemment. Presque tous occupent une très bonne place dans la société. Chacun à son tour raconta ses anciens souvenirs chez les Frères, des bons et « mauvais » souvenirs mais toujours avec humour accompagnant des rires joyeux et des conclusions bienfaisantes. « Le Frère Humbert,[17] a raconté un ancien tabérien, a noté ses appréciations dans mon livret scolaire : élève nul (des rires éclatent). Mais grâce à cela, et par amour-propre aussi, j’ai fait un très grand effort pour devenir ce que je suis dans la société ». Des petites histoires de ce genre se poursuivaient mélangeant des appréciations de l’éducation des écoles lasalliennes avant 1975 et l’analyse de la dégradation de l’éducation actuelle accédant ainsi à une proposition finale: « ouvrir une école et la confier aux Frères ». Pendant ce temps-ci, la Fédération FALAISE fut créée en France composée d’anciens tabériens ayant pour but en principe d’ « aider les Frères âgés et les œuvres des Frères au Vietnam ».

L’assemblée de la fédération FALAISE[18] a eu lieu le 5 juin 2005 à Paris 13ème au restaurant Chinatown-Olympiades sous la forme d’un Gala organisé pour la première fois dans ce but. À cette occasion, M. Hoai Viet a lu publiquement ses poésies, les considérant comme les paroles sorties du cœur des anciens tabériens et adressées à tous les Frères:

« …Quoi qu’il en soit, mes Frères, soyez fiers
Votre disciple a bien profité de vos enseignements
Et il a réussi à l’Université comme dans la vie.
Il essaie aussi de faire ce que vous lui avez appris :
Aimer ses compatriotes, servir son pays,
Faire taire la haine, répandre l’amour,
Ne jamais renoncer, lutter jusqu’au jour
Où la justice et la fraternité règneront
[19]

Hoai Viet NVH

C’est pendant cette époque que des anciens de « Taberd 74 » prirent l’initiative de fonder un budget pour s’entraider et pour donner des bourses d’études aux enfants pauvres. Il est dans la tradition lassalienne de s’occuper des liens associatifs et non seulement scolaires.

Pareillement à Huê, des anciens de « Pellerin » font de même : visiter les malades, les personne âgées, ouvrir des classes d’affections (classes gratuites) pour apprendre aux enfants à lire et à écrire, donner des cours d’apprentissage professionnels de couture, de réparation des vélomoteurs.... À l’occasion du centenaire de la fondation de cette école (1904-2004), ils ont organisé une rallye réunissant environ plus d’une centaine d’anciens avant 1975. Un grand nombre d’anciens dans le pays ou à l’étranger sentirent le désir de se serrer la main et de faire quelque chose qui soit utile (photo, p. 237).

École La San Duc Minh

Au début de 1923, le curé de la paroisse de Tân Dinh a ouvert une école et invité les Frères de la communauté de Taberd à venir la diriger. L’inauguration a eu lieu le 18 novembre 1923 avec la participation de l’évêque de Qui Nhon et de Saigon. La nouvelle école a été baptisée du nom “École de Saint Louis de Gonzague”. Elle est située au numéro 146, rue Hiên Vuong, district 3, Saigon (Ho Chi Minh-Ville).

L’école a commencé avec 120 élèves répartis en 4 classes du primaire. Les classes ainsi que les élèves augmentèrent sans cesse d’année en année. La dernière classe du primaire fut ouverte en 1926 avec 14 élèves. 12/14 obtinrent le « Certificat d’études du Primaire » (C.E.P.) à la fin de l’année.

À l’époque, l’école Saint Louis de Gonzague était considérée comme une annexe de l’école de Taberd. C’est pourquoi, les Frères qui y travaillaient devaient se rendre à Taberd pour passer la nuit. Le premier Directeur de cette école fut le Frère Ildefonse apportant à cet établissement fraîchement ouvert un progrès appréciable.

Vers l’an 1931, le nombre d’élèves s’élevait à 320 sous la direction du Frère Pierre Quy (de 1930-1944).

Pendant le temps de guerre en 1945, l’école cessait temporairement. Les Frères de Taberd, avec l’accord du curé, vinrent à Saint Louis de Gonzague pendant une année. La région où elle se situe à l’époque, était la banlieue de Saigon à la fois tranquille et en sécurité.

Elle fut rouverte en 1946 et les élèves rejoignirent leur ancienne école en grand nombre. Étant directeur, le Frère Urbain Luu construisit de nouvelles salles de classes et orienta les élèves, selon leurs capacités, à s’inscrire au CEP vietnamien ou français.

En 1948, les Frères célébrèrent le 25e anniversaire de l’école Saint Louis de Gonzague. Le nombre d’élève s’élevait à 700.

En 1951, le Frère Jourdain fut nommé directeur de la communauté et à partir de ce jour, l’école Saint Louis de Gonzague devint indépendante de Taberd. Les Frères ne s’y rendaient plus la nuit. Une nouvelle communauté fut fondée. Et à partir de 1952, l’école Saint Louis de Gonzague porta le nouveau nom « école La San Duc Minh » en souvenir du Fondateur de l’Institut de La Salle (La San) et du Saint martyr Philippe MINH (DUC MINH). Le premier cycle fut aussi ouvert cette année.

Le Frère Harman Tuan continua l’œuvre de son prédécesseur avec succès : changement du programme français en vietnamien, environnement plus confortable, entrée de l’école proprement goudronnée.

En 1961, l’école La San Duc Minh présentait ses premiers candidats au B.E.P.C. Le résultat fut très encourageant : 38/48 reçus, soit un pourcentage de 79%, assez élevé par rapport à 30%, le pourcentage moyen des autres écoles de Saigon à l’époque.

Le successeur du Frère Harman fut le Frère Félicien Luong qui dirigea l’école pendant 6 ans avec lucidité d’esprit et discrétion, ce qui a créé une confiance totale des parents et un bon esprit aux enseignants. Il a construit de nouvelles salles de classes pour répondre aux besoins des élèves qui augmentaient chaque année.

Le Frère Élie Khoa, successeur du Frère Félicien, a ouvert le second cycle en 1968. Il a fini la construction d’un nouveau bâtiment à un étage avec 6 nouvelles salles de classes bien aérées et éclairées.

Le successeur du Frère Élie fut Frère Gérard Ho Tan Phat qui a changé d’orientation en devenant prêtre en 1972. Il a continué l’œuvre de son prédécesseur en ajoutant un deuxième étage à ce bâtiment. Les chambres des Frères furent également améliorées. Le nombre des élèves s’élevait à 3 000 à l’époque.

À partir de la nouvelle direction du Frère Constant Huu en l’année scolaire 1972-1973, l’école La San Duc Minh prit une atmosphère spéciale. Le corps professoral travaillait avec ardeur et union. L’esprit de discipline régnait de plus en plus dans l’école. Les préfets d’études et le surveillant général étaient rajeunis. Tout le monde était content et croyait fermement en un avenir assuré. L’équipe éducative rajeunie de cette année prépara le 50e anniversaire de la fondation, 1923-1973. La fête fut organisée solennellement en présence des grands personnages des autorités civiles et ecclésiastiques, avec la participation des écoles des Frères, des Sœurs et des écoles amies. Les compétitions sportives de basket-ball, de ping-pong et de volley-ball commencèrent un mois à l’avance. Les invités s’émerveillèrent de l’exposition de la variété des activités religieuses et périscolaires de l’école depuis la fondation. La fête se termina par une séance récréative qui laissa au cœur des participants un souvenir durable.

La plupart des élèves de La San Duc Minh appartenaient aux familles de condition de vie moyenne et modeste. C’est pourquoi, elle garde toujours la  tradition de l’Institut de s’occuper particulièrement des pauvres en donnant chaque année 300 bourses aux enfants des familles en difficulté financière.

L’école La San Duc Minh s’efforçait de faire développer toutes les capacités potentielles des enfants en organisant diverses activités : cours de musique (orgue, guitare, tambour…), exercices de sport (basket-ball, ping-pong, volley) en invitant des moniteurs compétents. Un champion de l’État du ping-pong était ancien élève de Duc Minh.

Les Frères n’oubliaient leur devoir de donner une éducation chrétienne aux enfants. Des classes de préparation à la première communion et à la Confirmation étaient tous les ans organisées pour les catholiques.

La San Duc Minh a ainsi obtenu la réputation de pouvoir favoriser aux enfants le développement de la vocation à la vie religieuse ou sacerdotale. Il est nécessaire de rappeler ici les mérites du Frère Aimé Duc qui recherchait inlassablement des vocations à envoyer au séminaire ou aux maisons de formation des Frères.

À la veille de la chute de Saigon en 1975, le corps professoral de La San Duc Minh se composait de 14 Frères et de 120 enseignants laïcs, s’occupant de. 3 300 élèves du matin au soir.

La San Ky Thuat Da Lat (École technique de Da Lat)

Le nom précédent de cette école dans les années 60 se nommait « Atelier de Saint Nicolas » en se souvenant du Révérend Père Fernand Parrel, à la fois directeur de l’école et curé de l’église paroissiale Saint Nicolas de Da Lat.

L’École est située sur la rue Yersin au numéro 25, du même côté et près de l’église paroissiale devenue actuellement cathédrale de Da Lat. L’idée créatrice de la fondation de cette école provient du Frère Cyprien Gâm en 1956, premier Visiteur Provincial vietnamien. Cependant, elle n’a été réalisée qu’en 1960 par son successeur, Frère Bernard Buong.

Après trois mois de préparation aux mois juin, juillet, août 1960, l’installation de l’équipement des classes d’apprentissage sous la direction du Frère Guillaume Khai, était prête à fonctionner. Le nouveau directeur, Frère Alexandre LE VAN ANH, ingénieur d’ECAM, Lyon, France, entrait en fonction le 3 août 1960 et commençait à recevoir des demandes de concours d’entrée pour cette nouvelle année scolaire de 1960-1961. Plus de 200 dossiers reçus venus de toutes les provinces : Nha Trang, Pleiku (hauts-plateaux), Quang Tri (centre du Vietnam) et aussi…. de Saigon. Cependant, un choix assez sévère n’avait permis de recevoir que 43 premiers élèves au jour de l’inauguration dont 25 internes (13 vietnamiens, 19 montagnards et 2 français) et 28 externes, répartis dans les différentes classes selon leurs aspirations suivantes : menuiserie (18 élèves), ajustage (8), chaudronnerie (6), forge (5) soudure, étain, autogène, électricité (6). Etant conscients de leur mission éducative des pauvres, les Frères n’oubliaient pas de favoriser l’accès à l’apprentissage des jeunes en difficulté financière. Le nombre des premiers étaient minimes. 12 d’entre eux ont bénéficié de la gratuité scolaire : 12 internes dont 10 minorités ethniques et 2 vietnamiens.

En 1961, une année après l’ouverture, l’école a connu ses premières difficultés : les deux Frères, acteurs principaux, étaient mobilisés et devenus professeurs de l’École militaire de Dalat, ils ne pouvaient contribuer à l’enseignement qu’à mi-temps. Le nouveau directeur, Frère Cyprien, prit la décision de supprimer le pensionnat. Le nombre d’élèves se réduisit subitement à 14. En examinant le besoin des jeunes et l’insistance des parents, le conseil de communauté des Frères devait revenir sur cette décision. Le nombre des élèves s’éleva tout de suite à 45 au début de l’année scolaire 1961-1962. En même temps, pour répondre aux besoins des jeunes, 4 nouvelles sections furent ouvertes : mécanique d’automobile, électricité industrielle, dessin industriel, et tournage des métaux.

En cette année 1961, les locaux de l’école de jour en jour furent améliorés : 16/09/1961, inauguration d’un atelier de 12m x 35m à l’occasion de la fête patronale du Frère directeur. Cette nouvelle construction doit beaucoup aux initiatives et à la collaboration active du Frère Guillaume Khai, frère-lieutenant. Aussi, grâce aux bonnes relations des deux Frères-lieutenants Alexandre LE VAN ANH et Guilaume Khai la cour de l’école ont été embellie par la construction d’un camp de basket-ball, inauguré le 11/11/1961.

Venus de tous les coins du pays, de toutes les situations sociales et familiales différentes, ces premiers élèves ont fait beaucoup de progrès de plus en plus élevé dans le domaine de la formation humaine : un nouvel esprit d’association, d’entraide, de discipline et de compréhension régnait parmi eux. Pour les aider à s’habituer à la discipline, à assurer le résultat du travail, à avoir un esprit créatif, et à prendre conscience de leur responsabilité, les Frères ont appliqué la méthode du travail d’équipe dans tous les domaines : études, jeux, sport, séances récréatives, même dans les sorties ou pique-niques. Plusieurs visites de grands personnages ont beaucoup encouragé les Frères et les élèves, signe positif de la l’adéquation de cette première école technique à Da Lat. Citons entre d’autres : M. NGUYEN NGOC THO, vice-président, qui a visité l’école le 29/07/1961. Il a confié aussi son fils aux Frères à l’école d’Adran, DaLat. Il a mis une heure et demie pour voir toutes les classes et ateliers en observant et interrogeant les Frères sur les activités de cette nouvelle initiative qu’il a tellement appréciée. Le 12/12/1961, M. NGUYEN DUOC, directeur du Ministère de la Section technique, est venu visiter l’école tout simplement pour montrer que « l’école La San Ky Thuat » a réalisé « dans les moindres détails » les projets du Ministère dans le domaine technique.

1962-1963, année de rénovation. Le corps professionnel fut modifié. Mais la rénovation la plus importante fut celle du programme d’étude pour le rendre conforme à l’enseignement de l’État. Le nombre d’élèves de cette année s’élevait à 92. Tous devaient subir  un concours d’entrée aux niveaux 6 et 7 (sixième et cinquième). Ceux qui échouaient, continuaient à suivre des cours d’apprentissage comme auparavant.

Des visites de hauts personnages promettaient un avenir plus brillant qui s’annonçait et faisaient retentir la réputation, prête à éclore, de cette petite école. La première fut celle du Frère Nicet Joseph, Supérieur Général de l’Institut des Frères accompagnant le Frère Lawrence O’Toole, son Assistant, pendant les vacances. La deuxième visite fut celle de l’évêque Dossing, responsable de MISEREOR qui était venu pour juger et décider la subvention de la construction du nouveau bâtiment de l’école. La troisième visite resta un souvenir inoubliable, celle du premier président NGO DINH DIEM de la République de Vietnam le 2 octobre 1962. Il rendit visite à chaque section, à tous les ateliers en s’informant auprès des élèves en train d’exercer des travaux pratiques. Et enfin, pour exprimer son contentement, il sortit de sa poche 5 000 piastres de don à l’école en signant, en même temps, le cahier des bienfaiteurs. Mais ce qui étonna le plus les Frères, fut qu’il y ajouta le don imprévu de deux lots de terre pour l’extension de l’école.

Le temps s’écoule. L’école faisait de grands efforts pour embellir la propriété. Le nombre des élèves s’élevait d’année en année. En 1969, il était de 490, dont 49 pensionnaires. En 1971, son nombre s’élevait à 749, dont 42 pensionnaires. Des travaux importants furent entamés. Un nouveau bâtiment fut construit et à peu près achevé à la rentrée de l’année scolaire 1972-1973.

Pour l’année scolaire 1971-1972, les résultats académiques furent encourageants :

-        CAP (examen du premier cycle Technique et Professionnel) : 43/89, soit 48%.

-        BAC I (série technique) : 39/45, soit 86,7%.

-        BAC II (série technique) : 12/12, soit 100%.

Cependant, les besoins restaient nombreux et les ressources financières limitées. En voulant répondre au plus grand profit des élèves, la Communauté et l’École contractèrent une petite dette car la hausse rapide des prix avait occasionné des dépenses imprévues. Mais les Frères espéraient que l’année 1972-1973 les aiderait à tout régler. 

Cette partie de mon travail s’est effectué par une démarche mélangeant les commentaires et souvenirs des acteurs interrogés et les traces et documents de la congrégation au Vietnam et à Rome . Il y a ainsi un danger épistémologique à utiliser des démarches qui sont bien différentes et répertoriées dans les sciences humaines mais les approches qualitatives s’autorisent ce mélange des genres en essayant  alors de dire que l’on évoque une situation précise en un temps donné.

 

Revenons ainsi sur des statistiques : celles ici du nombre des fréquentations selon les années :   

N.B. En 1971, le nombre des pensionnaires baisse à cause de l’insécurité
de la route Saigon-Dalat et aussi la cherté de la vie

Les quelques citations ci-dessus du fonctionnement des écoles typiquement lasalliennes avant 1975 ont pour but de donner aux lecteurs une vue globale de ce qu’est une école des Frères. Certaines personnes âgées qui connaissent les Frères manifestent un certain regret de leur absence dans le monde de l’éducation actuelle, ce qui montre en partie, à la jeune génération, leur éducation efficace. Je n’en prétends pas pour autant que l’éducation lasallienne au Vietnam était parfaite. La preuve en est que récemment sur Internet, un monsieur nommé Quan Nguyen et se disant ancien élève des Frères a publié cet article peu encourageant :

« Je suis entré chez les Frères à l’âge de 11 ans. La plupart des “Frères” restent encore jeunes et sont devenus religieux afin de fuir le service militaire, ayant peur des “Viet Cong” (communiste vietnamien) jusqu’au point de se déguiser en religieux pour fuir le service militaire. Étant ainsi, ils aiment inversement frapper les élèves pour exhiber leur puissance devant les professeurs, élèves et surtout envers les jeunes enseignantes. Il suffit d’une petite transgression pour recevoir des tapes sur l’oreille et que des coups de rotin pleuvent sur le dos et sur les fesses du coupable […]. Pourtant, ils font la sourde oreille devant les fautes des élèves de grande famille, ils n’osent jamais les toucher et ferment les yeux même quand ils briment et frappent leurs camarades de classe qui osent leur déplaire. […]. À l’âge de15 ans, j’ai demandé à mon père de changer d’école. Peut-être mon père, en cette minute, a-t-il perçu que les Frères ne sont pas du tout bons, il a accepté tout de suite ma requête ».

Ces lignes reflètent un peu l’envers de la façade de l’éducation lasallienne dans les années avant 1975. Mais en écrivant ces quelques lignes : « La plupart des Frères restent encore jeunes et sont devenus religieux afin de fuir le service militaire, ayant peur des “Viet Cong” jusqu’au point de se déguiser en religieux pour fuir le service militaire », l’auteur a-t-il bien mené lui-même des enquêtes ou au moins s’est-il fondé sur des documents existants ? Ou bien est-ce tout simplement une vengeance psychologique ou une déduction gratuite parce que lui-même a reçu des coups de rotin « à demi-vivant, à demi-mort » de son père comme il a raconté dans un autre paragraphe? En tous cas, louer aveuglément une personne avec trop de compliments pour l’élever jusqu’aux cieux ou l’insulter éperdument pour l’immerger au fond de la boue manifeste finalement une fausse conception de son image.

Il est vrai qu’évaluer une éducation n’est pas du tout un travail facile. En soi, elle est déjà un des “trois métiers les plus difficiles” (Durkheim). Mais avec une histoire de 140 ans de présence au Vietnam, c’est un temps assez long, suffisant et propice pour examiner les résultats de notre éducation dans le passé pour mieux agir dans l’avenir. Quelles sont donc les critères sur lesquels on se base pour cette évaluation? Il y en a beaucoup. Cependant, celui qui est proposé par le Frère Supérieur Alvaro est celui-ci :

« … Si, pour ces étudiants, le succès ne consiste qu'à devenir des hommes et des femmes “ pour eux-mêmes et leur famille ” et non “ pour les autres ”, en particulier pour les plus pauvres et les exclus, l'éducation que nous donnons n'aura pas atteint son objectif … »

 

[1] Frère ALBAN, Histoire de l’Institut, Éditions Générales F.S.C., p.526

[2] Idem. p. 520

[3] Idem. p. 520

[4] Idem.

[5] Frère ALBAN, Histoire de l’Institut, Editions Générales F.S.C., p. 528

[6] Frère ALBAN, Histoire de l’Institut, Editions Générales F.S.C., p. 528

[7] Idem.

[8] Voir aussi « : Eduquer par l’amour, non par la crainte (F. Léon Lauraire), Revue Liens LA SALLE, Mars 96, et les autre numéros : Déc. 94, mars 95, Juin 96. 

[9] Frère ALBAN, Histoire de l’Institut, Éditions Générales F.S.C., p. 514.

[10] Tabérien signifie élève de l’école de Taberd.

[11] Frère ALBAN, Histoire de l’Institut, Éditions Générales F.S.C., p. 514.

[12] Idem., p. 513.

[13] Texte paru dans le journal d’Extrême-Orient le lendemain de la fête intitulé « Brillante soirée à l’Institution Taberd ». Voir le texte intégral aux annexes.

[14] Lien Lac 1971 (Informations sur les activités du District de Saigon avant 1975), p. 26.

[15] Voir le texte intégral aux annexes

[16] “Pont de singe”: pont construit uniquement par des bambous ou corps de cocotier, à l’usage des piétons exclusivement.

[17] Frère Humbert Vu Van Cuong, docteur en biologie, professeur de l’ISAB, Institut Supérieur d’Agriculture de Beauvais. Il est décédé en France en 1998.

[18] Fédération des Anciens Lasalliens de l’AsIe  du Sud Est

[19] Voir le texte intégral aux annexes, à la page…